Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé (1940-2022)


Pelé est mort. L’autre joueur, également brésilien, dont je retins le nom, derrière le sobriquet dont les Auriverde sont familiers, a été surnommé le «Pelé blanc» : Arthur Antunes Coimbra, dit Zico, que je vis jouer pendant la Coupe du monde 1982. Quant à Pelé, ce 21 juin 1970, il gagnait sa troisième Coupe du monde, le Brésil s’adjugeant définitivement au passage le trophée Jules Rimet, alors qu’il me restait six mois avant la césarienne. Ce que je sais du footballeur, je l’ai lu, et surtout ce grand pont sur un gardien, dernier défenseur (pour la petite histoire, celui de l’Uruguay) : un diaporama imprimé en noir et blanc, sans doute dans un vieux numéro de «France-Football», à moins que ce ne soit «Onze», sinon «Mondial» (avant la fusion des deux magazines, en 1989). Pelé contourna la gardien en laissant passer le ballon, mais il manquera le but au bout de sa prodigieuse feinte : ce qui n’empêcha pas son geste imprévisible de passer à la postérité. Comme dira Johann Cruyff, «Pelé a dépassé les limites de la logique». Longtemps avant que les archives de la FIFA tiennent rigoureusement la fiche technique du moindre match de la planète football, il était entendu que Pelé avait marqué mille buts (1283 exactement). Je serais curieux de visionner chacune des mille vidéos, si elles existent toutes. Même avec la Seleçao du Brésil, le doute subsiste : 77 buts (FIFA), 95 buts (CBF, confédération brésilienne de football). Pelé, qu’on dit avoir inventé l’expression «O jogo bonito» (le beau jeu), aurait été tout le contraire d’un robot stéréotypé, figé dans un schéma et incapable de s’en émanciper. Quand on évoque Pelé, les mots de liberté, astuce, fantaisie, créativité, audace, reviennent régulièrement. Le dernier artiste brésilien en date, Neymar, a trouvé une jolie formule : «Avant Pelé, le football n’était qu’un sport. Il a tout révolutionné, faisant du football un art, un divertissement». Avant Pelé, également, le dossard «10» n’était qu’un chiffre : depuis, il est devenu un rôle majeur, endossé successivement par les Platini, Maradona, Messi... La mayonnaise a été savamment montée par les journalistes, autour de la question du «GOAT» (the Greatest Of All Time) : pour le siècle précédent, la question est sans doute définitivement close avec cette reconnaissance unanime de la stature de Pelé. La légende est forte de symbole : Noir, descendant d’esclave, pauvre, cireur de chaussures, devenu «Pelé», le Roi devant lequel tous les grands se prosterneront ces prochains jours. «Le plus grand de l’histoire du football» abonde Franz Beckenbauer, de concert avec tant d’autres. Pourtant, je me méfie de ces superlatifs définitifs subjectifs. Un jour, le gardien anglais Gordon Banks sortit un but tout fait : «J’ai marqué un but, mais Banks l’a arrêté», commentera Pelé. Aussitôt qualifié de «plus grand arrêt de tous les temps», sans doute simplement parce qu’il mit en échec Pelé, le roi du jeu.
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