Demain est un autre jour


D’abord, il y eut le monument dédié à la République, pro­clamée dans des conditions discutables le 14 octobre 1958. Jusqu’en l’an 2000, ce «tsangam­-bato» taillé dans la pierre, et figurant une île de Mada­gascar portée par une poussée granitique, littéralement «nasondrotry ny vato», occupa seul la place dite de l’indépen­dance au jardin d’Antaninarenina. Puis, les nostalgiques de Philibert Tsiranana, le premier Président de la République, de 1959 à 1972, eurent l’idée d’ériger un buste à son effigie devant la pierre de la République: juste ce qu’il fallait pour cacher cependant Madagascar. Ensuite, dans l’indifférence générale, en cette période de Noël 2020, la pierre de la République et le buste de Tsiranana disparurent purement et simplement derrière une crèche de l’enfant Jésus. Personne n’a rien remarqué. Déjà, si les gens savent situer l’avenue de l’indépendance, à Analakely, ils se perdraient par contre à chercher la «place de l’indépendance» si on ne les mettait pas sur la voie du jardin d’Antaninarenina. Aussi, au tout début du «RETOUR» de l’indépendance, un autre monument avait déjà été dédié à la République: mais, un peu perdu dans le kianja d’Andohalo, cette construction ne signifie pratiquement plus grand chose. Il doit rester quelque part une place libre pour ériger une autre pierre-levée, dédiée cette fois au «retour de l’indépen­dance». Le «retour» puisque même les discours d’avant le vote de la République ne manquèrent pas de faire référence au discours du général de Gaulle, le 22 août 1958, à Mahamasina: «Demain, vous serez DE NOUVEAU un État». Pour pouvoir l’être de nouveau, il faut bien l’avoir été déjà, auparavant, jadis. Cet autrefois semble bien avoir été un 23 octobre 1817 pour que la Princesse Royale Anne d’Angleterre se rende en la cathédrale anglicane d’Ambohimanoro, à l’occasion de son bicentenaire. Le temps confère une patine, quand il est généreux. Le même temps s’avère usure quand l’opinion est encline à l’amnésie. Une certaine mémoire collective: très incertaine mémoire en vérité. Demain, plus qu’un An nouveau, sera tout simplement, mais déjà, un autre jour supplémentaire vers la huitième génération de l’oubli.
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