Bétail électoral


Vraiment intéressant de constater que les élections ont fait naître une témérité démesurée chez certains Malgahces. On connaissait l’exceptionnelle capacité des Tananariviens et Tananariviennes au sport de combat « attrape taxi-be » dans lequel il n’y a ni protocole de genre, d’âge, de musculature. « Chacun pour soi et les pick­pockets pour tous » étant la seule règle en vigueur, les prouesses acrobatiques, de courses de haies, de football américain sont très souvent des spectacles que l’on peut observer tous les soirs du côté des terminus des bus à Analakely, Anosy ou 67 hectares. Depuis que la propagande bat son plein, on reste bouche bée devant les prodigieuses inventions. A cœur joie, les trentaines de « supporters » payés sont entassés dans des camions qui sont loin d’être faits pour transporter des humains. En plein Antananarivo, on a l’impres­sion de voir ces camions-cercueils qui font le relais entre la capitale et ces régions reculés de l’Est ou du Sud de Madagascar. Des heures et des heures, ils font semblant de danser et d’être convaincus tout en mettant leur vie en péril. Ah ! C’est fou comme quelques malheureux billets peuvent donner un surcroît d’opium à des ventres affamés. Un autre se prend pour Superman, juché tout là-haut, sur le toit d’une voiture improvisée comme camion de campagne électorale. Super­man, les yeux brillants, s’occupe de sécuriser la sonorisation attachée minablement sur les portes bagages est balloté de virage en virage, de nid-de-poule en nid-de-poule. Mais qui sécurise Superman qui n’a que ses pieds et ses maigres mains pour se cramponner à chaque secousse ? La réponse est claire : personne. S’il tombe, se fracasse la tête contre le bitume, ce sera très surement la faute à pas de chance. La semaine dernière à Toamasina, un camion porte-conteneurs ramassait des trentaines voire des cinquantaines de personnes vêtues de t-shirts pour faire un tapage sonore en ville. L’enfer est que ces jeunes hommes et femmes, ces autres moins jeunes, s’étaient entassés sur un plateau qui n’était pas destiné à transporter des gens debout et surexcités. Il n’y avait aucune barrière de sécurité pour retenir celui qui trébucherait ou qui serait bousculé. De la chair à canon pour des politiciens qui n’ont que faire de la sécurité de petits-gens. Ainsi va le monde, les affaires, la politique, la manipulation. Mais il est tout aussi aberrant de constater qu’en voyant tout ceci, les autorités routières ne pipent mot alors qu’ils sont plus rapides que leurs ombres pour quelques infractions au code de la route. En plus de la violence dans les propos des candidats, la violence dans les actes, les infractions aux règlements électoraux, ces violations du code la route viennent comme une autre goutte qui fait encore plus déborder la coupe. Le bétail électoral s’en donne à cœur joie, allons-nous rester de vains spectateurs dans l’attente d’un accident mortel qui fera la Une des journaux ? « La misère, chargée d'une idée, est le plus redoutable des engins révolutionnaires. La misère est le canon, l'idée est le boulet. » Victor Hugo.
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