Lala Ratsirahonana - « La Médiature de la République, une tangente de la société »


Peu connue ou mal connue des citoyens, la Médiature offre quand même des solutions aux conflits du quotidien. Le médiateur Lala Ratsirahonana en parle davantage. Pourriez-vous décrire les rôles et attributions de la Médiature de la République ? La promotion de la démocratie à Madagascar dans les années 90, notion consacrée par la Constitution de la IIIème République, a suscité la mise en place d’un « Médiateur, Défenseur du Peuple » face à une Administration de plus en plus omnipotente. Certes, le contrôle juridictionnel, un des moyens principaux de recours contre les abus de l’Administration, est prévu mais ne répond pas toujours aux attentes du citoyen afin de faire prévaloir ses droits. L’article 1er de l’ordonnance n° 92-012 du 29 avril 1992 portant institution du "Médiateur, défenseur du peuple", fixe sa mission qui est de recevoir les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d’une mission de service public. Les pouvoirs du médiateur tels qu’ils sont prévus par l’Ordonnance précitée consistent à : Recevoir des réclamations qui relèvent de sa compétence (article 5) et instruire les réclamations qui lui ont été soumises. Ainsi, le médiateur, ses adjoints ou la personne à laquelle il a délégué ses pouvoirs peuvent se rendre dans n’importe quel centre de l’Administration publique pour vérifier tout élément nécessaire. À cet effet, on ne peut lui refuser l’accès à aucun dossier ou document administratif en relation avec l’activité ou les services objet de l’enquête (article 11). Le caractère secret ou confidentiel des pièces dont il demande communication ne pouvant lui être opposé (article 13) ; Apprécier la qualité des services publics rendus et avancer des recommandations et des propositions de réformes pour améliorer le fonctionnement de l’Administration (article 8) ; Engager, en cas d’abstention de l’autorité compétente, contre tout agent responsable une procédure disciplinaire ou le cas échéant, saisir d’une plainte la juridiction répressive (article 9) ; Enjoindre, en cas d’inexécution d’un jugement passé en force de chose jugée, l’autorité responsable de s’y conformer. Rechercher, parallèlement à une instance judiciaire en cours, un règlement amiable du litige. Le médiateur de la République intervient dans les cas de :
  • dysfonctionnement de l’administration publique.
  • non-respect des droits de l’individu par le pouvoir administratif.
  • rigidité et incompatibilité de certaines règles, face au contexte de la société dans le cadre d’une action en équité.
Le Médiateur de la République est membre de droit auprès du Comité pour la Sauvegarde de l’Intégrité (CSI). Votre entité a-t-elle une couverture nationale avec des antennes dans les régions ? Nous sommes en train de préparer l’installation des délégations régionales, et allons incessamment installer celle de la région du Menabe. Cette déconcentration sera accélérée lors de l’année 2022 pour aboutir à la mise en place des 23 délégations régionales. Quelles sont les différences entre la Médiature et le bureau de doléances ? Le Bureau des Doléances auprès de la Présidence de la République a été créé par Décret pris du Conseil des Ministres du 07 février 2019. Il est notamment chargé de :
  • Recueillir les plaintes et doléances liées à la mission de l’Administration publique adressées à l’endroit du Président de la République ;
  • Mener des investigations préliminaires sur les cas rapportés (gestion douteuse, inefficacité, corruption ou abus de tout agent du service public) ;
  • Transmettre aux autorités compétentes du secteur concerné par la plainte, le traitement des dossiers dénoncés ;
  • Saisir les autorités habilitées à enclencher une procédure de poursuite à l’encontre des auteurs des faits dénoncés.
Il est par conséquent rattaché directe ment au Président de la République et reçoit les plaintes adressées à l’endroit du Président. Le Médiateur reçoit quant à lui, toutes plaintes et requêtes de la part de tous les usagers des services publics lui sont adressés. Il conseille, oriente, vérifie que tous les voies de recours ont été épuisées. Il procède à toutes investigations nécessaires et entame toutes négociations aux fins de médiation. Le Médiateur peut adresser toutes recommandations qu’il juge utile à l’endroit de toutes autorités administratives afin de régler les difficultés et le cas échéant, toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’organisme concerné. Le Médiateur fait son rapport annuel au Président de la République, au Premier Ministre et au Parlement. Ces deux entités ont leurs missions propres, mais sont appelées à collaborer dans le but de la bonne gouvernance et d’un meilleur fonctionnement de l’administration publique. Est-ce que vous avez les moyens pour faire votre mission ? Nous sommes rattachés budgétairement à la Présidence de la République. Nos nouvelles perspectives de redynamisation des services et de déconcentration nous amène à solliciter un appui budgétaire supplémentaire et soutenu. Est-ce que les citoyens sont suffisamment motivés et sensibilisés pour venir chez vous ? La Médiature de la République est totalement au service des citoyens. Nous mettons en place une stratégie de communication de masse par l’organisation des audiences foraines au niveau des districts et des communes, les affichages communaux, distributions de brochures et autres supports de communication. Toutefois nous sollicitons aussi fortement la collaboration des médias pour cet effort de sensibilisation. Toutefois une hausse conséquente du nombre des requêtes a été constatée lors de ces deux derniers mois. Vous communiquez peu. Un choix stratégique ou une contrainte budgétaire ? Notre communication ne peut porter que sur nos missions. D’une part, toute médiation se fait entre les parties concernées, et d’autre part, la confidentialité des doléances est de principe. Les décisions de la Médiature ont elles des valeurs juridiques ? Dans la mesure où nos recommandations, à défaut de réponse satisfaisante dans le délai que nous fixons, peuvent être rendues publiques et rapportées aux autorités suprêmes de l’Etat, et nous pouvons engager contre tout agent responsable une procédure disciplinaire, ou le cas échéant saisir d’une plainte la juridiction répressive. Dans ces conditions, nous pouvons estimer que nos interventions ont un effet juridique certain. Les conflits fonciers gagnent du terrain, si l’on peut dire. Comment expliquez-vous que plusieurs personnes détiennent des titres d’un seul et même terrain ? En effet, les litiges fonciers constituent la majorité des plaintes que nous recevons. Les cas sont multiples et parfois complexes. A notre avis, cela résulte de la pluralité des textes et de leur complexité. Il nous faudrait de profondes réformes et rassembler tous ces textes épars en un seul code accessible à tous et rédigé en Malgache. Le cas échéant, et compte tenu des multiples cas dont nous sommes saisis, nous pouvons apporter notre pierre à cet édifice. En tout cas, tout dysfonctionnement signalé au sein des services fonciers fait l’objet d’investigations approfondies par nos services. Quel est votre avis sur l’opinion négative des Malgaches vis-à-vis de l’appareil judiciaire considéré comme parmi les corps les plus corrompus du pays. À mon avis, cette opinion négative est commune à tous les pays. C’est le propre de tout jugement humain de ne pouvoir satisfaire tout le monde. Malheureusement, le phénomène de la corruption persiste et il faut concevoir et appliquer des stratégies de lutte plus appropriées aux véritables réalités et aux véritables pratiques constatées. La Médiature de la République ne peut pas intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, sauf pour en accélérer le cours, comme elle ne peut pas non plus remettre en cause son bien fondé. La Justice malgache est par principe indépendante. Toute entrave à ce principe serait condamnable, venant de l’intérieur ou de l’extérieur. Mais il faudrait aussi que les responsables à tous les niveaux soient conscients qu’une telle image de la Justice ne pourrait perdurer, et qu’ on doit bannir toute velléité néfaste de corporatisme.
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