Désagrégation du royaume de Boina à la mort de Ravahiny


Dans les années 1740, le Boina (Boeny) commence à se développer sur le plan commercial. En 1741 plus précisément, à l’entrée de la baie de Bombetoka, les rois du Boina invitent les Mozanghi à construire leur ville neuve. Les boutres et autres navires de commerce y sont protégés et contrôlés par les Sakalava. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, l’activité dans la baie est très dense, alors que les comptoirs plus anciens, tels Langany et Boeny, perdent leur importance passée. Les Sakalava, étant maitres de la façade maritime, obligent les commerçants à négocier dans la baie. La majeure partie du trafic reste alors longtemps entre les mains des Arabes et des Antalaotra. Petite anecdote. Trois boutres arabes sont mouillés dans la baie de « Masselage » quand le « De-Brack » y parvient en 1741. La baie de Bombetoka revient à l’époque à son ancien nom, Masselage, depuis qu’elle a supplanté Langany, comptoir antalaotra installé dans la baie de Mahajamba. Le roi du Boina réside à Marovoay et le capitaine Hemmy lui rend visite, après être passé par Ambato-Boeny où l’on construit les boutres royaux, à travers un pays couvert de rizières et de palmiers. « À Marovoay, le roi nous envoie un pot de fer, un cochon, du riz, du sel, des lemons (citrons), du miel, des poules, de la canne à sucre… », écrit le commandant du De-Brack. Il décrit le palais royal comme étant entouré de quatre à cinq rangées concentriques de palissades. À l’intérieur, se dressent des maga­sins avec des centaines de caisses et armoires pleines de marchandises diverses. La maison du roi et celles de ses femmes sont au centre d’une cour intérieure. Pour remercier le souverain de ses cadeaux, le capitaine Hemmy lui offre en retour des étoffes, des épices, de l’arack (rhum). Il discute aussi avec lui de la traite. Le lendemain, le souverain reçoit ses visiteurs étrangers dans une grande maison tendue de toile blanche. « Il y a une riche collection de beaux mousquets, plus de cent, des meubles et des coffres pleins de vases et objets d’argent. » On apporte alors un grand vase de porcelaine japonais, avec des citrons, de l’eau, du sucre, de l’arack pour faire du punch… Présentant le roi, le capitaine Hemmy lui donne entre 30 et 40 ans, « bien fait, de belle allure ». Drapé dans un pagne de fabrication locale, il porte sur la tête une couronne d’or pur, autour du cou une chaine d’or « dont les mailles sont aussi grosses qu’un tuyau de pipe » et qui descend jusqu’à la taille. Il a aussi une ceinture d’or pur, « large de trois doigts », et des bracelets « aussi gros que le collier ». Parmi les souverains du Boina, la grande reine Ravahiny règne vers 1780. Elle est l’héritière de la lignée d’Andriamandisoarivo et du royaume. Sa richesse vient de l’importance du commerce antalaotra et arabe dans le Nord-Ouest de l’ile, au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Depuis près de cinquante ans, en effet, Mahajanga enrichit les rois du Boina installés à Marovoay, et les commerçants étrangers doivent s’y rendre avant de traiter leurs affaires. D’après les auteurs du livre d’Histoire de Madagascar pour les lycées des classes Terminales (1967), la Cour sakalava fascine les envoyés des autres souverains malgaches et excite leurs convoitises. En 1792, par exemple, le Français Dumaine voit la Cour de la reine Ravahiny, ses vassaux et ses esclaves la vénérer. Il peut ainsi mesurer son autorité et son prestige : Mahajanga lui appartient. « Apparemment libérale avec les commerçants majungais, Ravahiny nomme leurs chefs, contrôle leur trafic et prélève sa part. Ses troupes, mieux armées, mieux récompensées, maintiennent dans le royaume, par la force, l’Ambongo montagneux et le Sambirano. » Poursuivant leur narration, les auteurs du livre d’histoire de 1967 indiquent que si Ravahiny semble puissante, « la turbulence des clans et des chefs, l’humeur belliqueuse des Ampanjaka, rois vassaux, et des Anakandriana, leurs enfants, demeurent un réel danger pour la cohésion du grand royaume». Forte de sa puissance, la reine Ravahiny accepte l’amitié d’Andrianampoinimerina. Les commerçants de l’Imerina viennent jusqu’à Mahajanga, s’y établissent même, afin d’échanger pour le compte de leur roi, des esclaves contre des bœufs. La reine de Boina meurt en 1808, deux ans avant le roi de l’Imerina. Elle est le dernier grand souverain sakalava, car « les forces de désagrégation l’emportent après sa mort », alors que la puissance du royaume merina s’affirme. Sur les Tampoketsa, pratiquement déserts, se prépare l’affrontement des deux armées, l’un des épisodes essentiels de la grande marche vers l’unité du pays.
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