Une construction soumise à des règles strictes


Uun coup d’œil sur Antananarivo et l’on discerne, au début des années 50, des maisons uniformes avec le rouge brique comme couleur dominante, régulièrement alignées et superposées. « Une couronne de palais et de clochers, découpant l’horizon au-dessus des collines, confère à l’ensemble ce cachet particulier d’où naît l’émotion esthétique. » L’histoire de la construction de la ville explique cette apparence presque uniforme des maisons et des édifices de la vieille cité, qui dérivent d’un prototype lointain, la case merina transformée et aménagée par la technique moderne imputable aux initiateurs européens, Gros, Laborde, Cameron et Sibree pour ne citer qu’eux. Ce prototype se trouve représenté par Mahitsielafanjaka, l’habitation d’Andrianampoini­merina, « case primitive s’il en fût ». Cette maison-type, tout en bois, en pièces de charpente robustes soigneusement assemblées, est rectangulaire, oblongue, avec des dimensions verticales très élevées. Trois poteaux (andry) de même longueur, placés sur le grand axe, sont destinés à recevoir le faîtage. Les deux extrémités sont reliées à la sablière par des rives en bois qui se prolongent au-dessus du faîtage, formant un triangle dirigé la pointe en bas et ouvert à la partie supérieure. Elles offrent l’aspect de deux cornes monumentales et leur longueur est proportionnelle à la situation et à la fortune du propriétaire. La forme dessine un angle très aigu, le toit est donc fortement incliné. « Les ethnographes croient reconnaître dans ce type de case une origine indonésienne. » Toutefois, en Imerina, la construction obéit à des règles traditionnelles et minutieuses où il est facile de discerner des pratiques astrologiques et magiques, car invariablement, le grand axe de la case doit être orienté Nord-Sud. En outre, chaque angle et chaque emplacement intérieur portent le nom d’un mois de l’année, de même qu’ils ont une signification et une affectation bien déterminées. La préférence revient à l’angle Nord-Est, le coin faste par excellence. « Quand nos ancêtres priaient, ils se tournaient vers le Nord-Est ; ils demandaient à Andriamanitra Andriananahary et aux ancêtres d’exaucer leurs vœux… » Du fait de cette orientation fatidique, « c’est au Proche-Orient qu’il convient de reporter l’origine de ces rites et de ceux qui les enseigne aux populations malgaches ». Pourtant, bon nombre de maisons tananariviennes, et des principales, sont orientées Nord-Sud. À commencer par le Palais de la Reine. « Ce Palais de Manjakamiadana répond aux exigences traditionnelles. En se servant des procédés indigènes et en les améliorant, tant pour la charpente colossale que pour les parois, Jean Laborde a fixé l’usage du bois. Ce chef-d’œuvre devait d’ailleurs parachever la série des constructions faites avec ce matériau. » Dès le retour des Européens en 1862- après la longue parenthèse du règne de Ranavalona Ire - la brique et la pierre se substituent au bois dans les maisons ou les édifices, principalement à partir de 1869, année d’abrogation des interdits sur la construction en matériaux plus durables que le bois. « La brique seule, d’une fabrication facile et d’une mise en œuvre peu coûteuse, a donné lieu à des combinaisons de toutes sortes », signale A. Jully, dans un article sur l’habitation à Madagascar. L’initiative de la fabrication des briques revient sans doute à James Cameron et aussi, mais à moindre titre, à Jean Laborde. Tous deux ainsi que Sibree, Pool, le RP Taïx, Frère Laborde qui se tue en tombant de l’échafaudage de la cathédrale catholique, et Frère Gonzalvien laissent à Antananarivo de nombreuses œuvres. Puis de 1863 à 1891, la fièvre de bâtir s’empare de la capitale. Architectes européens de métier ou improvisés et maîtres maçons malgaches formés à leur école garnissent les collines de la ville des maisons et des édifices qu’elle comporte aujourd’hui encore.
Plus récente Plus ancienne