Mythe ou réalité - Le Triangle des Bermudes


Il y a bien longtemps de cela, un succès du chanteur Mort Schuman racontait la triste histoire d’un pilote solitaire qui, pour mettre fin à ses jours, choisit de diriger son avion vers le Triangle des Bermudes. C’est en vain que la tour de contrôle essaie de le raisonner : « Tango Charly, Tango Charly, vous m’entendez ? Votre route va droit vers le Triangle des Bermudes… Tango Charly vous m’entendez ? Changez immédiatement de cap ! » Tango Charly entend mais continue. Et puis le silence, et puis plus rien. Tango Charly s’en est allé grossir la liste des disparitions dans cette zone de sinistre réputation qu’est le Triangle des Bermudes. Là s’arrête la fiction, mais il existe une certaine réalité encore sujette à controverse, qui n’en est pas éloignée. La zone en question, très vaste, est délimitée par trois points constitués par Miami, l’Archipel des Bermudes, et San Juan la capitale de Porto Rico. Ces limites ont été définies en 1964 par Vincent Gaddis, un auteur convaincu de la réalité des disparitions mystérieuses d’aéronefs et de navires à l’intérieur de ce qu’il baptise « Le Triangle de la mort ». C’est un article du Miami Herald de 1950 qui fait mention pour la première fois de disparitions inexpliquées dans ce secteur. Deux ans plus tard, le magazine Fate publie à son tour un article alarmiste intitulé « Le mystère de la mer est à notre porte ». Il y traite notamment de la disparition en 1945 d’une escadrille de cinq chasseurs bombardiers au large de la Floride. C’est cette disparition collective inexpliquée qui va véritablement alimenter le mystère du Triangle des Bermudes, où s’entremêleront faits divers et pures inventions. Il semblerait en effet, selon certains qui se veulent réalistes, que les avions, dépourvus de certains éléments de navigation, se soient perdus en mer après que le compas du pilote instructeur fût tombé en panne… Malgré ces versions, il n’empêche que des faits étranges ont déjà été relevés dans le Triangle. Même Christophe Colomb à son époque aurait déjà fait part du dérèglement de son compas. En 1918, l’USS Cyclops, un navire charbonnier, disparait sans laisser le moindre message radio. Si le mystère n’a jamais été élucidé, il n’est par contre pas sûr que la disparition ait eu lieu dans le Triangle, certains la situant plutôt quelque part entre La Barbade et Baltimore. Un journaliste du Los Angeles Times publie en 1974 un article où il estime que plus de 190 navires et 80 avions auraient déjà disparu dans cette zone au cours des années précédentes, et que les gardes-côtes américains auraient fait état de milliers d’appels de détresse. Parmi les ouvrages parus dans ces mêmes années 70, le livre « Le Triangle des Bermudes » de Charles Berlitz devient un best seller et marque le début d’une série d’enquêtes et de contre enquêtes. Les explications fleurissent, allant des extraterrestres à l’influence de l’Atlantide et des distorsions spatio-temporelles. D’autres se voulant plus scientifiques parlent de champs magnétiques ou évoquent des perturbations climatiques ou des réactions physiques ou chimiques naturelles, comme la remontée en surface d’hydrate de méthane venue du fond de la mer. Une dernière hypothèse, trop simple pour intéresser les esprits avides de mystères et d’énigmes, concerne la défaillance humaine. La liste des cas mystérieux répertoriés depuis le début du XIXème siècle est bien fournie : - de 1800 à 1850 : huit dont, en novembre 1840, celui du Rosalie, un navire français retrouvé à la dérive au large de Cuba sans équipage, les voiles déployées, les canots de sauvetage à leurs places, et la cargaison intacte. - de 1850 à 1900 : quatre, dont celui de l’Atalanta, un navire-école britannique disparu avec ses 29 élèves-officiers. - de 1900 à 1950 : seize dont, en 1948, le Star Tiger, un appareil britannique assurant la liaison Açores Bermudes, et dont le dernier message était : « Conditions météo excellentes, arriverons à l’heure prévue ». Il y eut aussi le cas de ce DC3 reliant Porto Rico et la Floride qui transmettait dans son dernier message : « Nous approchons de l’aéroport. Nous apercevons les lumières de Miami, tout va bien. Attendons les instructions pour l’atterrissage ». - de 1950 à 2000 : cinquante, dont, en décembre 1967, le yacht Witchcraft et, entre novembre 1983 et mai 1999, plusieurs avions légers de type Cessna et Piper, ainsi que des cas de Beechcraft et de Twin Otter. - après 2000, poursuite de la série avec toujours des avions légers et des navires comme le cargo El Faro en 2015, qui avait trente-trois personnes à son bord ou, en décembre 2020, un autre bateau qui disparait entre les Bahamas et la Floride avec vingt passagers et n’a jamais été retrouvé. Les chercheurs n’ont jamais renoncé à trouver des explications rationnelles au « mystère » du Triangle des Bermudes. Selon l’un d’eux du nom de Kuscher, toutes les disparitions peuvent s’expliquer par des conditions météorologiques, des problèmes techniques, ou des accidents naturels. La cartographie par sonar multi faisceaux par exemple a permis de détecter un plateau rocheux sous-marin environné d’affleurements de récifs coralliens. Une Commission d’enquête de la Marine américaine a étudié et exclu toute cause inexplicable à la disparition des chasseurs bombardiers de 1945. Lawrence David a repris à la source tous les « témoignages » et les a tous réfutés dans un livre dont le titre résume tout : « Le mystère du Triangle des Bermudes enfin résolu ». Du côté des assureurs, le Cabinet Lloyd de Londres est arrivé à la conclusion que le Triangle des Bermudes n’est pas plus dangereux que d’autres routes maritimes internationales. Dans cette ligne, les Compagnies d’assurance n’ont plus jugé utile de majorer les primes pour les navires ou les avions amenés à traverser cette zone. Reste la chanson de Mort Schuman, elle est belle, appréciez-la si un jour vous la retrouvez.
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