Maître Hery Rakotomanana - « Il faut revoir le cadre juridique des élections »


Les membres actuels de la CENI ont conclu leurs six ans de mandat par un dernier rapport d’activité. L’occasion pour le président sortant de souligner les améliorations nécessaires pour optimiser l’organisation des élections. Du pain sur la planche. C’est peu de le dire. Les prochains membres de la Com­mission électorale nationale indépendante (CENI) auront beaucoup à faire et de préférence avant le début du prochain processus électoral d’envergure nationale. C'est-à-dire, l’élection présidentielle de 2023. Les membres sortant de la CENI ont présenté leur rapport de fin de mandat, hier, au siège de cette entité, à Alarobia. Une dernière cérémonie publique qui veut dire que pour les neuf commissaires électoraux actuels, la boucle est bouclée. La loi sur la CENI souligne, en effet, que le mandat de ses membres est de six ans, non renouvelables. Un document d’une centaine de pages devant synthétiser toutes les activités de la CENI sortante a donc été présenté à l’assistance. La présentation de leur rapport de fin de mandat a surtout été l’occasion pour maître Hery Rakotomanana, président sortant de la CENI, de mettre l’accent sur les lacunes à redresser. Il met notamment l’accent sur le fait que l’amélioration du cadre juridique des élections soit nécessaire. « Il y a trop de points obscurs dans les lois électorales. Il y a, par exemple, les délais prévus dans ces textes sur l'acheminement des résultats, qui ne tiennent pas compte des réalités pratiques et ni de celles du terrain. Ce qui nous a permis de nous en sortir c’est que nous avons systématiquement requis un éclairage de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) », a-t-il expliqué à l’issue de la cérémonie d’hier. Maître Rakotomanana recommande l'élaboration d'un code électoral proprement dit. Ce qui implique de compiler au sein d’un seul texte toutes les règles régissant tous les processus électoraux dans le pays. L’opportunité d’une amélioration du cadre juridique des élections a été évoquée dans les débats politiques durant le premier semestre de l’année. Elle est revenue sur le tapis lorsqu'à Paris, fin août, Andry Rajoelina, président de la République, a parlé du droit de vote pour la diaspora pour la présidentielle de 2023. L’idée d’une amélioration des lois électorales a également été suggérée par Giovanni Di Girolamo, ambassadeur de l’Union européenne (UE), durant une visite de courtoisie à Pierre Holder Ramaholimasy, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, au début du mois de septembre. Durant un échange téléphonique, suite à cette rencontre, le membre du gou­ver­nement a toutefois répliqué que ni une révision, ni une refonte du cadre juridique des élections, ne sont encore dans les plans. Défi permanent «­La révision du cadre juridique d’une élection ne se fait pas sur un coup de tête. Cela nécessite une profonde réflexion », avait alors déclaré le ministre Ramaholimasy lors de cette conversation téléphonique. Outre la concrétisation de l’engagement fait par le chef de l’État à Paris sur le droit de vote de la diaspora, une révision, ou même une refonte des lois électorales, permettra de redresser les lacunes et de redresser les dysfonctionnements soulignés hier, à Alarobia. Dans son discours d’ouverture de la présentation du rapport de fin de mandat et durant son interview à la presse, maître Rakoto­manana a, une nouvelle fois, martelé la nécessité d’en finir avec l’utilisation du système alpha numérique pour la confection de la liste électorale et de passer à la biométrisation ou une autre technologie plus fiable. Il renchérit en soutenant, même si nous changeons dix fois la composition et le format de la CENI, nous aurons toujours le même problème si nous nous en tenons au système actuel pour l’élaboration des listes électorales. Le basculement vers un nouveau système pour la confection de ces listes électorales nécessite, cependant, une décision politique traduite dans une loi. « Il faudra aussi repenser s’il est toujours opportun de s’en tenir à une révision périodique de la liste ou s’il faut l’ouvrir en permanence », ajoute le président sortant de la CENI, durant une discussion en aparté, hier. Autoriser une révision permanente des listes électorales permettra d’y ajouter continuellement ceux qui atteignent l’âge de voter et obtiennent leur carte d'identité nationale et ainsi, les rendre plus exhaustives. Une ouverture permanente des listes pourrait aussi être une solution au manque d’engouement des citoyens pour déclarer un déménagement ou un décès. « Comment la CENI peut-elle retrancher ou déplacer une personne de la liste électorale alors qu’il n’y a pas de déclaration de décès ou de déménagement. Toutes ces choses sont les causes des doublons et autres dysfonctionnements », déplore maître Rakotomanana. En marge de l’événement d’hier, le président sortant de la CENI a, par ailleurs, confié que l’un des défis permanents de cette entité a été de démontrer son indépendance et son impartialité. Un challenge que devront relever, également, les nouveaux commissaires électoraux. Outre la question politique, cette question d’indépendance concerne également les finances et la logistique de la CENI. « La seule façon de convaincre l’opinion publique et les acteurs électoraux est la transparence », souligne Hery Rakotomanana.  
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