Courrier des lecteurs - Il ne faut pas voter lors de l’élection du 27 Mai 2019


Je vous écris parce que je pense que nous devons nous abstenir lors de l’élection du 27 Mai 2019 et je voudrais vous expliquer les raisons d’une telle proposition. Notre système électoral est le moyen par lequel, en tant que Peuple, nous décidons ensemble de notre destin commun. Or, ce système est sérieusement endommagé. Le premier élément qui lui a porté un coup dévastateur fut l’omnipotence et l’omniprésence de l’argent lors de la campagne électorale présidentielle. Nous n’avons pas une évaluation correcte du montant qui a été injecté à Madagascar durant cette période. La seule évaluation que nous avons des montants utilisés au sein du système politique est une étude de l’Union Européenne et qui date de 2016. Selon ce rapport, il est apparu que lors de la dernière élection présidentielle un des candidats aurait dépensé 43 millions de dollars pour sa campagne, en 2013, soit 21,5 $ par voix obtenue, quasiment le double du montant par électeur de Donald Trump, en 2016. Il est fort probable que l’on ait dépassé ce niveau en 2019. La conséquence de cette masse d’argent est la perte d’une réelle souveraineté des Malagasy sur leur terre et ce, si on considère que le pouvoir de choisir en conscience ses dirigeants est l’attribution fondamentale de ladite souveraineté. Notre Peuple a subi une longue et humiliante pauvreté. Nécessairement, une telle pression a créé au fond de son âme un brûlant désir d’avenir et qui le rend sensible aux chimères. D’aucuns ont cru devoir exploiter cet état d’âme en achetant, payant, organisant des fêtes sans fin ou en vendant des rêves aveuglants. Ils l’ont fait avec une brutalité sans équivalent dans notre histoire politique. C’est pour payer cette méthode que cet argent a servi. C’est-à-dire qu’il a annihilé toute possibilité, même infime et imparfaite, d’une discussion entre Malagasy de ce que devrait être notre avenir collectif. Sur un autre plan, toute cette masse de ressources ne saurait trouver son origine chez les Malagasy. Notre pauvreté est telle que ces fonds ne peuvent provenir que de groupes extérieurs. Or ces fonds ont forcément une contrepartie et cette contrepartie ne peut être que le pillage de nos ressources ou tout ou moins une promesse de pillage futur de nos ressources. Et justement et à titre d’exemple, voici qu’une émission de la British Broadcasting Corporation (BBC) nous révèle que des oligarques russes ont financé des candidats avec comme promesse l’ouverture de nos ressources à leurs appétits. Ainsi donc, des prédateurs dangereux ont été introduits au cœur de notre gouvernance politique et ce, sachant que la faiblesse institutionnelle de notre État ne nous permet pas de nous en débarrasser aisément plus tard. Nous ne pouvons pas accepter ceci. Or participer à l’élection de 27 Mai 2019, c’est valider ce qui s’est passé lors de la présidentielle et valider le principe d’achat de voix. C’est valider la vente de notre souveraineté à des prédateurs. C’est donc se résigner à la dégradation de notre système électoral. Le second élément concerne l’attitude de la Communauté Internationale et en particulier l’Union Européenne et les pays qui en sont les membres. Ceux sont de grandes démocraties et elles sont parmi les puissantes au monde. Elles avaient le moyen de nous tendre la main et ce, juste en respectant leurs propres valeurs. Au lieu de cela, elles ont, non seulement validé les méthodes inacceptables décrites plus haut, mais bien plus elles ont utilisé tout le poids de leur immense possibilité et influence pour que nous nous résignons à en subir le résultat. Pour rappel, la Mission d’observation électorale de l'Union européenne Madagascar 2018 a déclaré, dans sa « Déclaration préliminaire sur le processus électoral du 7 novembre 2018 » en date du 09 Novembre 2018, notamment qu’elle « a constaté des infractions commises lors de meetings par des candidats (dont ) la distribution d’argent parfois camouflée par un remboursement de frais de transport des partisans venus assister à la campagne. (…). En outre, les candidats distribuent aussi des T-shirts, des casquettes, des drapeaux, des parapluies ou des paréos, ainsi que des motos pour les maires ». Or, le 20 décembre 2018, les membres du Groupe international de Soutien à Madagascar (GIS-M), en tant que représentants de la communauté internationale dans son ensemble, « ont relevé avec satisfaction la tenue du 2e tour de l’élection présidentielle, conformément au calendrier prévu, dans les conditions requises de transparence et de régularité, dans le calme et de manière paisible à travers tout le territoire du pays ». Et par la suite et au regard de ce qui précède, est venu le coup de massue quand ledit Groupe a intimé « les deux candidats et leurs partisans à faire preuve d’esprit de responsabilité … ». Oui, vous avez bien lu : « d’esprit de respon­-sabilité ». Ainsi donc et sur le plan des relations entre les Peuples, il est permis de conclure que les méthodes utilisées lors de la campagne présiden­tielle de 2018 sont des méthodes et des manières de faire que les membres du Groupe international de Soutien à Madagascar (GIS-M), en tant que représentants de la communauté internationale dans son ensemble, considèrent comme approprié et suffisant pour Madagascar et son Peuple. La dernière raison que je soumets à votre attention est liée au fait que le système électoral n’est plus régulé par l’autorité judiciaire électorale. En effet et sur le plan judiciaire, un Arrêt n°11-HCC/AR du 28 novembre 2018 portant proclamation des résultats officiels du premier tour de l’élection présidentielle du 7 novembre 2018, indique que l’achat de suffrage figure parmi les infractions constitutives d’entrave à la liberté et à la sincérité du scrutin et du vote. Mais qu’en revanche pour que le point de Droit constitutionnel soit traité, il importe à ce qu’il soit soulevé grâce à « (une) requête, établie en double exemplaire, dispensée de tous frais de timbre et d’enregistrement, doit sous peine d’irrecevabilité, être signée et comporter : (…) une copie légalisée à titre gratuit de sa carte d’électeur ou d’une attestation délivrée par la Commission Électorale Nationale Indépendante ou ses démembrements au niveau territorial, selon le cas (…)». En conséquence et dans le cas contraire, la non-production de cette copie de la carte d’électeur ne permet pas d’examiner la constitutionnalité d’un mode d’accès au Pouvoir par l’usage de l’argent. En d’autres termes, en raison de l’absence d’une photocopie dans le dossier, ce Juge a laissé l’argent dominer le système électoral. Ce juge était le dernier moyen dont disposait le Peuple Malagasy pour que sa capacité de décision collective soit protégée. Il devait faire rempart. Il n’a pas estimé utile de le faire. Quant à nous, nous sommes des Malagasy et au même titre que nos ancêtres, nous sommes responsables vis-à-vis de notre île. Voici l’occasion de le montrer et de servir Madagascar à notre manière et à la mesure de nos moyens : ne votons pas le 27 Mai 2019. par Harotsilavo Rakotoson
Plus récente Plus ancienne