Didier Ratsiraka: Dernier Acte, Scène Un


Il y a aura pléthore de témoignages. Et moult photos aux côtés du «Grand Homme» en cymaise dans les prochains posts. Au-delà des discours officiels convenus, des récits familiaux maladroits, de l’ultime bravache d’un militantisme sur le retour, voilà sans nul doute l’hommage le plus spontané et sincère que célébrités et anonymes vont rendre à Didier Ratsiraka dans les prochains jours. «On me diabolise, mais j’ai la conscience tranquille. Je dis que l’Histoire m’acquittera». Non, il ne s’agit pas de Fidel Castro devant un tribunal de Fulgencio Batista en 1953, mais de Didier Ratsiraka se confiant à la Revue de l’Océan Indien, quaranteneuf ans plus tard (avril-mai 2002). Et quand «Radidy» aura mobilisé pendant deux heures son auditoire pour expliquer les toujours mystérieuses inscriptions rupestres d’Ambohimahasoa, cela faisait déjà vingt-deux ans que «Fidel» avait prononcé son discours du 26 septembre 1960: 4 heures 29 minutes, devant la Quinzième Assemblée Générale des Nations-Unies. Record absolu. Guère plus qu’un vague souvenir, «l’hymne» de l’autrefois monopolistique et tout-puissant Arema: «Ndao ampio Didier Ratsiraka». Qui justement reprendra le flambeau d’un parti qui n’aura pas survécu à son fondateur, déjà du vivant de celui-ci? Que reste-t-il des bien grands mots qu’on a oublié de ne pas prononcer. Faute de pouvoir/vouloir/savoir tenir leurs promesses: «l’agriculture comme base, l’industrie comme moteur» qui devait permettre à une génération de «Malgaches nouveaux» d’être les «Tompon’ ny Taona Roa Arivo», les maîtres de l’année 2000. C’était sans compter sur une malgachisation sans mesures transitoires ni d’accompagnement, une décentralisation sans les moyens de ses plastronnades, et une orientation économique socialisante qui n’allait pas convaincre les ministres des Finances et de l’Économie, débarqués dès avant le second septennat. Il y avait bien eu «Stratégies pour l’an 2000: du tiers-monde à la troisième puissance mondiale», mais, depuis sa publication en 1983, le tiers-monde n’a toujours en partage que la pauvreté de PMA ou les dettes d’IPPTE tandis que le Non-Alignement cessa faute d’anciens combattants. «Fin de l’Histoire», au moins économique, comme dirait Fukuyama. Mes enfants, que j’espère plus maîtres des années 2000 que je ne fus de l’année 2000, m’ont demandé le legs de Didier Ratsiraka. Et il me vient à leur parler des «Magasin M» mais aussi des queues au petit matin avec l’obligatoire carnet de Fokontany; des «corned-beef» de la SEVIMA mais également du pain qui aura perdu la moitié de son poids alors que son prix a renchéri d’un tiers; du Boeing 747 d’Air Madagascar ce qui ne parle guère à une génération obligée de voyager en Air France, Ethiopian voire Turkish. Ce n’est pas rendre service ni à Madagascar, ni à la génération future, ni même à la mémoire de Didier Ratsiraka, d’occulter le côté obscur de ces longues années: AVANT/APRÈS, où était le niveau scolaire, quel était le pouvoir d’achat, qu’était Madagascar? Mais, alors, pourquoi cette petite mélancolie? Peut-être parce que, simplement, nous étions de ces années 1975-1991, 1997-2001: vingt-et-un ans dont personne n’est sorti indemne. Le syndrome de Stockholm.
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