Didier Ratsiraka - Chronique sur un départ symbolique


L’ancien président Didier Ratsiraka s’en est allé ce dimanche 28 mars. Hospitalisé quelque jours avant son décès à l’hôpital militaire de Soavinandriana avec sa femme, Didier Ratsiraka, testé négatif au Covid-19, y était resté pour des soins de «routine après une petite grippe», selon un communiqué émanant de ses proches. Son décès officiel annoncé tôt le dimanche matin, d’aucun ne peut s’empêcher un lien à la pandémie actuelle qui sévit à Madagascar, avec son lot de disparitions récentes de personnalités connues : politiciens, scientifiques, entrepreneurs, artistes, … Notons en particulier la disparition d’un des fondateurs de l’IMRA (Institut malgache de recherche appliquée), le professeur Jean Adolphe Randriantsoa, également directeur général de IMRA Natural Products. Autant dire, un des piliers de la création du remède CVO contre le Covid-19. Ce produit pur IMRA se trouve actuellement au milieu de débat scientifique et politique sur la lutte contre la pandémie sur la Grande Île. L’ancien président, lors de sa dernière apparition publique sur la chaîne TV Plus, n’a pas hésité à soulever la problématique actuelle sur l’option prise par le gouvernement actuel, notamment sur la question du vaccin anti-covid et la promotion à outrance du CVO. Didier Ratsiraka a notamment apporté sa vision sur le droit de chaque malgache de recevoir le vaccin s’il le souhaite, droit quelque peu empêché par la décision de l’État de vouloir observer les effets réels et secondaires du vaccin. Le président Andry Rajoelina a réitéré ce choix en arguant la présence du variant sud-africain sur le territoire, qui selon lui «mérite une attention particulière quant à l’opportunité d’importer un vaccin à Madagascar». Didier Ratsiraka, habitué des croches-pieds politiques, a mis en avant ce droit fondamental des malgaches, lors de son entretien télévisé, en se plaçant une ultime fois en tant que raiamandreny en prodiguant ses conseils aux gouvernants et au peuple face à cette catastrophe qui frappe le pays. Trop tôt ou trop tard, l’amiral s’en est allé sur ces derniers mots. Chacun appréciera sa posture présente et passée sur la gestion de la nation, mais tout le monde se souviendra durant cette lutte qui n’épargne personne que, symbolique ou pas, le droit de choisir est fondamental dans une république. L’histoire retiendra comme une symétrie dramatique et symbolique, encore une fois, la disparition du professeur Jean Adolphe Randriantsoa, qui comme Didier Ratsiraka, croyait aux vertus des produits malgaches pour les soins et la prévention de plusieurs maladies chroniques, mais également à la capacité des scientifiques et des techniciens malgaches à prendre en mains le destin du pays. Il n’est pas inutile de rappeler les faits d’arme de l’ancien président Didier Ratsiraka du temps où il était à la commande du pays, époque que l’on aime adorer ou détester : la série de nationalisation d’entreprises malgaches appartenant anciennement à des étrangers, des banques, mais aussi des industries florissantes comme l’industrie alimentaire, navale, agricole, … Mais la gestion de ces ressources sous l’orientation politique de Didier Ratsiraka a eu raison du succès escompté à l’époque, plongeant le pays dans une crise économique que ses successeurs n’ont pas réussi à redresser jusqu’à aujourd’hui. Le franc malgache de l‘époque a sombré dans une dévaluation sans précédent, et la fierté nationale, ou ce qui en restait, en a pris un coup avec les séries de privatisation d’entreprises qui sonnait comme une marche arrière et un aveu d’échec de la politique du «Tolompiavo­tana» (Révolution socialiste), cher à Didier Ratsiraka. En cette seconde décennie du 21ème siècle, Madagascar se cherche encore et, à tort ou à raison, observe tout un pan de son économie contrôlé par des étrangers. Que l’on vénère ce président intellectuel ou que l’on aime détester «ce manipulateur» sans égal, force est de constater que la responsabilité de cette dérive est collective. Comme pour le rappeler, le drame que le coronavirus apporte comme une piqûre de rappel pour une mémoire et une conscience collective, à la veille de la date du 29 mars, un autre symbole de lutte commune des malgaches. Mais l’ironie des symboles s’impose quand la date de la disparition de l’ancien président Ratsiraka en rappelle jour pour jour, 38 ans après, un autre drame historique, l’accident du DC3 à Ampamoizankova où avaient péri des hauts officiers de l’armée malgache, et dont le secret parmi tant d’autres seront gardés à jamais par «l’Amiral Rouge», dont tous les citoyens se rappelleront pour toujours : les grands secrets ont fait des grands hommes d’État.
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