Projet présidentiel n°2


Au moins depuis Nicolas Mayeur, vers 1777 (cf. «Les lacs au Sud de Tamatave d’après Mayeur», par Jean Valette, Bulletin de Madagascar, n°254-255, juillet-août 1967, pp.593-600), les voyageurs européens avaient en concept le percement des isthmes pour relier les nombreux lacs du littoral Est et s’épargner le fastidieux «ampangalana» (du mot malais pangkalan) : naviguer, haler la pirogue sur le sable, remettre l’embarcation à l’eau... Bien des années plus tard, les 20 et 21 août 1900, le général Gallieni put emprunter le canal fraîchement creusé des Pangalanes entre Ivondro et Andavakinimenarana, à bord de la chaloupe à vapeur «Andevoranto». Mais, le futur Gouverneur Général Joseph Gallieni n’étant arrivé au Quartier Général à Andohalo, que le 15 septembre 1896 à 15 heures 30, ce n’est donc pas lui, mais son prédécesseur Hippolyte Laroche qui décida le creusement du Canal des Pangalanes. C’était un 30 mai 1896. Plutôt qu’un formidable pont maritime entre Madagascar et l’île de Sainte-Marie (Projet présidentiel n°1, mais quid du tourisme de masse qui envahirait un territoire encore préservé, m’objecte-t-on), Benjamin Rakotomavo (ingénieur BTP et expert international en HIMO) suggère qu’on étudie sérieusement le prolongement du Canal des Pangalanes vers le Sud et acheminer son eau jusqu’à Ambovombe. Ce serait un canal d’eau qui doublerait les Routes Nationales 12 (Manakara, Farafangana, Vangaindrano, Manantenina, Fort-Dauphin) et 13 (Fort-Dauphin, Amboasary, Ambovombe). Comment? Par la méthode HIMO (haute intensité de main d’oeuvre), conceptualisée par le BIT (Bureau international du travail) dans les années 1970, et que ce technicien malgache était allé implementer au Rwanda en 1999. Son rêve à lui est déjà assez concret : 500 engagés dans l’HIMO, dans chacun des dix districts traversés pour arriver à 5 kilomètres de canal par jour. Après tout, le Canal de Panama ne s’est pas fait en un jour. En attendant, j’ai retrouvé une précédente Chronique du 24 février 2020, déjà intitulée «Projet présidentiel», où j’évoquais également cette adduction d’eau pour le Grand Sud par l’acheminement des eaux qu’on trouve en abondance (très relatif désormais avec le changement climatique et les effets de la déforestation) en amont. (Début de citation) Ligne de partage transversale des eaux, de part et d’autre du VakinAnkaratra (qui/que longe l’Ankaratra) : au Nord, plus au Nord, sur les berges de la Sisaony, inondations et menaces de crues à Ampitatafika, dans une zone de confluence des eaux, entre rive gauche de l’Ikopa (certes) mais (aussi) rive droite de la Sisaony ; au Sud, très au Sud, sécheresse dans l’Androy, Ambovombe, Amboasary. Réalité d’une île étirée en longueur et latitude. Plusieurs climats en un. Une île véritablement continent. Didier Ratsiraka avait rêvé de «l’Autoroute de la Concorde», reliant Antseranana à Tolagnaro en passant par Antananarivo. Enfant de 1975 qui a grandi sans être pour autant devenu «maître de l’an 2000», je lui substituerais un «Aqueduc de la Solidarité». Pour partager le quota théorique de 25 litres par jour par personne dans les pays en développement (contre 200 litres/jour/personne dans les pays développés). Personne n’objecterait que d’une contrée comme l’Imerina, pays du Vakiniadiana, du Vakinisahasarotra, du Vakinisisaony, du Vakinimananara, du nom de tant de rivières éponymes, un peu de l’eau des rivières et des fleuves aille alimenter un gigantesque pipeline à destination du Grand Sud malgache. La dépression d’Ivohibe, un couloir naturel encaissé entre, d’une part, Vangaindrano ou Farafangana, et d’autre part, Ihosy expliquerait les liens entre Antesaka et Sakalava. Via cette dépression, un autre pipeline pourrait acheminer un peu de l’eau en abondance dans le Sud-Est pour humecter tout le pays au Sud du Tropique du Capricorne. Jouer à la Rubik’s Cube de l’épine dorsale des hautes terres, pour incliner vers l’Ouest aride la dépression entre Océan Indien et Canal de Mozambique. «Autoroute de la Concorde», «Aqueduc de la Solidarité»: un autre Grand Rêve d’un corridor forestier juste sur le Tropique du Capricorne pour transformer les dunes de sable en rizières et champs de poivrons, salades ou oliviers. Les Israéliens l’ont fait au coeur du désert du Néguev.
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