Ville nouvelle


Le projet d’une «Ville Nouvelle» figure parmi les propositions du probable futur Président de la République, Andry Rajoelina. «Ville Nouvelle», c’était déjà le nom du Bulletin d’information de l’AGETIPA, agence d’exécution des travaux d’infrastructures publiques d’Antananarivo, dont les activités ont débuté le 7 avril 1994 (association privée, conçue par le Ministère du développement urbain en février 1993, et reconnue d’utilité publique en juillet de la même année). Dans le numéro 15 (décembre 1996) de ce bulletin, on pouvait lire un éditorial sur «Le défi urbain» : «On recommence aujourd’hui à parler du “Grand Tana”, un peu n’importe comment. Certains, y compris des responsables gouvernementaux de haut niveau, croient fermement au pouvoir miraculeux des plans directeurs d’urbanisme. En réalité, au lieu d’établir des modèles de croissance urbaine et d’essayer de les réaliser, il importe plutôt de se concentrer sur la mise en place de stimulants et de politiques économiques qui puissent influencer les décisions des entreprises et des individus à propos du choix de leur implantation et de leur résidence. C’est donc un problème d’aménagement du territoire». J’ai appris des communications en marge de l’assemblée générale de l’APUM (association des professionnels de l’urbain), l’autre samedi 22 décembre 2018. Et d’abord, un florilège d’acronymes : PRODUIR (projet de développement urbain intégré et de résilience), TaTom (pour Antananarivo-Toamasina), PIAA (programme intégré d’assainissement d’Antananarivo)... Rajoutés à la nomenclature des sigles de ceux qui interviennent sur l’urbain : SAMVA, BDA, APIPA... Le projet de «Ville Nouvelle» Tanamasoandro avait été évoqué à cette réunion : sur la rive gauche de l’Ikopa, 1000 hectares, 600.000 habitants. Soit l’équivalent de quatre des six arrondissements d’Antananarivo-Renivohitra. Ou trois fois plus que cinq communes limitrophes réunies : Ampitatafika 52.382, Bemasoandro 48.173, Andranonahoatra 49.535, Ambohidrapeto 24.733, Fenoarivo 25.505 (statistiques de 2009). Antananarivo encombré, Antananarivo saturé : refrain connu, réalité quotidienne. «Au rythme actuel d’urbanisation, près de la moitié de la population de Madagascar vivra en ville et l’agglo­mération d’Antananarivo atteindra presque 8 millions d’habitants, à l’horizon 2020» (L’urbanisation ou le nouveau défi malgache, Banque mondiale, mars 2011, p.24). «Dans un proche avenir, la périphérie d’Antananarivo pourrait s’étendre jusqu’à Imerin­tsiatosika et se fusionner avec la commune urbaine d’Arivonimamo vers le Sud-Ouest, vers la commune rurale d’Ambalavao au Sud, vers Manjakandriana à l’Est, et vers la commune rurale de Mahitsy au Nord-Ouest et Ambohimanga-Rova au Nord» (L’urbanisation, p.13). «Antananarivo», le «Grand Tana», «l’agglomération d’Antananarivo» : le Pudi-Horizon 2015, qui date de 2004, évoquait déjà Antananarivo comme une mégalopole incluant 29 communes périphériques en dehors de ses arrondissements (dont Alakamisy-Fenoarivo, Ambohidrapeto, Ambohidratrimo, Ambohitrimanjaka, Ampitatafika, Andranonahoatra, Bemasoandro, Fenoarivo). L’idée d’une «Ville nouvelle» n’est pas nouvelle. En Angola, la nouvelle ville de Kimbala, à 30 km de Luanda, bâtie sur 5000 hectares, d’une capacité de 500.000 habitants, reste une «ville fantôme» inhabitée. Dans les années 1950, Le Corbusier avait pu associer son nom à des villes nouvelles censément «radieuses». Plus contemporainement, la Chine «fabrique» des villes nouvelles qu’on imagine «rigoureuses». La ville utopique n’est jamais bien loin, sauf que les «Antanambao», villes nouvelles, de nos chansons populaires ne véhiculent pas forcément l’idée de légitimité par l’histoire que l’on peut se faire d’un endroit à vivre. Avant qu’il ne soit trop tard, et que les concepteurs aient arrêté leurs idées, il faut davantage de discussions. Sur l’opportunité de l’idée elle-même, sur l’opportunité du site choisi, sur l’opportunité de la méthode. Ma crainte, c’est qu’on refasse sur la rive gauche de l’Ikopa, et donc la rive droite de la Sisaony, ce qu’on a déjà commis sur la rive droite de l’Ikopa. Ces rocades, bypass et «autoroutes» à même le Laniera et les anciennes rizières du Betsimitatatra me semblent paradoxales tandis que l’on cherche à se ménager 15 millions de mètres cubes en bassin-tampon contre les crues et inondations. Dans une démarche «moderne», il ne me semble pas très avant-gardiste de continuer à étêter nos douze collines pour remblayer la plaine.
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