Vox Dei


Il a parlé. Le numéro un de la Haute cour constitutionnelle lui-même s’est incliné devant lui et a reconnu le geste. Il s’est exprimé. Sans doute pas à l’unisson, peut-être pas dans sa totalité, mais il a fait savoir son choix. Par le biais de l’institution juridique, le peuple malgache a indiqué sa préférence pour les deux candidats qui s’affronteront dans la dernière ligne droite de cette course à la présidentielle. Cette voix est sortie des murs du bâtiment d’Ambohidahy, ferme et claire. Elle s’est élevée au milieu du brouhaha ambiant, portée par la volonté de ce peuple de faire face à son destin. Le ton, volontairement emphatique ici employé, est à la mesure de l’enjeu. Peuple malgache. Cet ensemble d’individus réunis dans une même nation, vivant sur un même territoire, soumis tant bien que mal aux même lois, et à la veille aujourd’hui de déterminer celui qui lui imposera sans doute ses nouvelles règles, en tout cas sa façon de voir. Quel est-il donc ce peuple ? Ce « We the people » des tropiques, aux pluralités si singulières et dont les différences émerveillent le premier touriste venu. Il est venu là où on ne l’attendait pas. Parfois très tôt ce matin du 7 novembre, attendant patiemment l’ouverture des bureaux de vote, choisissant d’accomplir son devoir avant toute chose, avant de vaquer à ses occupations quotidiennes. Il est resté parfois tard, toujours ce 7 novembre, pour défendre sa voix et vérifier qu’elle a été bien exprimée. Il est resté sur la toile, facétieux, ironique et l’a fait comprendre dans les urnes par des bulletins blancs ou nuls. Il est resté chez lui aussi, désabusé mais dans le calme. On lui a attribué bien des tares ces derniers jours. De procès d’intention en jugements hâtifs, on lui avait prédit des lendemains sombres et enflammés à la fois. On avait craint son indiscipline, sa fougue, son incapacité à se contenir. On avait mis en avant son manque de discernement qui pouvait mener à l’embrasement. On avait tort. Il y a eu, il est vrai, des appels. Des manquements constatés durant tout le processus électoral du premier tour avaient créé de part et d’autre des frustrations qui faisaient craindre une situation sécuritaire précaire. Contre toute attente, elle n’a pas eu lieu. La foule ne s’est pas levée. La matinée du 28 novembre, jour de proclamation des résultats du premier tour s’est déroulée dans le calme. Dans Antananarivo, la capitale, les véhicules des forces d’intervention, placés ici et là dans la ville ont réussi à se fondre dans le paysage. Le président de la Haute cour constitutionnelle a salué la maturité des Malgaches. Les diplomates de diverses chancelleries lui a emboîté le pas. Les observateurs internationaux l’avaient déjà souligné le lendemain du scrutin. C’est ce que l’on doit aujourd’hui rendre hommage. Oui, contre toute attente, le peuple malgache est apparu sous un jour qu’on ne lui connaissait pas assez. C’est un peuple grandi et prêt. Prêt à entendre autant ce qui lui fait plaisir que ce qui le dérange. Prêt à adopter de nouvelles idées aussi, tout comme de retrouver les bases qui constituent les fondements de son existence. Ceux qui seront tentés d’infantiliser ce peuple se cogneront contre le mur. Ce peuple est capable de faire entendre sa voix. S’y opposer sera s’opposer à celle de Dieu. par Rondro Ramamonjisoa 
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