La mort du vieil homme


I l ne parlait pas trop, mais il savait beaucoup. Comme écrivait Victor Hugo, «si le jeune homme est beau, le vieillard est grand». Il savait beaucoup, et il se souvenait encore plus. Mémoire vivante, il avait eu le temps de transmettre ce qui vient du passé et tend vers l’avenir. Éminent parmi les dignitaires, il aimait arriver en éternel apprenti, ayant surtout gardé la fraîcheur des sentiments du moment de la porte basse. Il eût pu servir de magnifique alibi à une confrérie qui succombe régulièrement à la cordonnite aiguë. Nous n’outrageons pas ce qui fut grand. Pas comme la foule ingrate qui raille d’autant plus qu’elle a plus admiré. Beaucoup, sinon tous, pourraient dire : «Ô Vieillard, ce serait des noms comme le tien. Tu fus l’ami, l’appui, le tuteur, le soutien». «Mifanohitra lasa fanoitra», ou l’émulation des contraires, s’aider du levier en opposition, imaginait-il rassembler ce qui est épars. Rassembler, il eût pu, tant il faisait une rare unanimité. Victor Hugo, encore : (Ce vieillard) n’avait pas de fange en l’eau de son moulin Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge Cet homme (Booz) marchait pur, loin des sentiers obliques, Vêtu de probité candide et de lin blanc ; Et, toujours du côté des pauvres (ruisselant) Aurait-il souffert qu’on parle tant de lui mort, lui qui n’aura jamais fait déparler de lui, de son vivant. Sans doute aurait-il accepté avec réalisme ces vers du poète : D’être en la nuit de tous un éclatant flambeau ; Et que de vos vingt ans, vingt siècles se souviennent ! Voilà ce que je dis. Puis des pitiés me viennent Quand je pense à tous ceux qui sont dans le tombeau ! Gloire, jeunesse, orgueil, biens que la tombe emporte ! l’homme voudrait laisser quelque chose à la porte, Mais la mort lui dit non ! l’oubli reprend le nom. L’humilité avait un nom. Éveille-toi Razakaboay
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