Les maigres résultats des efforts de Rainilaiarivony


«On ne pourra s’empêcher d’être surpris … par le contraste entre les efforts faits par Rainilaiarivony, la continuité de son action et sa patience devant les obstacles d’une part, et de l’autre, les maigres résultats de toutes ces luttes et de tous ces travaux. » C’est ainsi que Georges-Sully Chapus et Gustave Mondain débutent le jugement qu’ils portent sur le Premier ministre Rainilaiarivony, dans leur livre « Un homme d’État malgache, Rainilaiarivony » (1958). Abordant les efforts du chef du gouvernement royal, ils donnent l’exemple de la réorganisation administrative du pays, presque dès le début de son mandat de Premier ministre, du moins dès qu’il « se sent affermi en face des adversaires qui auraient pu le renverser ». Il connait et comprend tout ce qu’il faut redresser dans le domaine de l’ordre général, de l’exercice de la justice ou dans le maintien de la sécurité publique. « Il prend son temps, mûrit un premier projet et attend l’occasion propice » pour le concrétiser. Aussitôt le couronnement de Ranavalona II accompli en 1868, le Premier ministre promulgue le Code des 101 articles. « Ce n’était pour lui qu’un premier essai. » Puis son attention reste éveillée concernant toutes les défections des méthodes suivies jusque-là dans la conduite des affaires publiques. D’autres projets voient le jour dans le but d’instituer des agents de surveillance sur toute l’étendue du pays- les Sakaizambohitra en 1878-, d’améliorer les pratiques judiciaires, de préciser et de renforcer les lois déjà en vigueur, comme le Code des 305 articles de 1881. Chapus et Mondain dévoilent enfin l’idée maitresse du plan de gouvernement de Rainilaiarivony, l’institution de vrais ministères inspirée par ce qu’il sait des organisations européennes du pouvoir. Et il ne se contente pas d’en publier les décrets, il en poursuit la réalisation, multiplie les conférences avec ceux dont il veut faire ses collaborateurs, fait appel aux fonctionnaires de tous grades, stimule le peuple par des discours retentissants. Les auteurs s’interrogent alors sur les résultats de tous ces efforts à la veille de la guerre qui entrainera « la chute définitive de la puissance du dictateur ». Ils se demandent si l’édifice gouvernemental se présente, sinon comme un bâtiment achevé, du moins comme une construction qui prend vraiment forme. « En toute impartialité, on est obligé de reconnaitre que l’édifice continuait à donner l’apparence d’un chantier où, à côté de quelques murs élevés en partie, d’autres gisaient démolis, avant même d’avoir atteint la hauteur que le plan initial leur avait assignée », écrivent les deux auteurs. Ces derniers voient alors que la même expérience se répète dans tous les domaines, avec plus ou moins certaines différences. Ils constatent que Rainilaiarivony continue en cela, la politique de Radama Ier et semble, comme ce dernier, désirer « profondément » doter son pays d’une armée capable d’assurer la domination imérinienne sur l’ensemble de l’ile, en même temps que sa défense contre tous les coups de main de l’extérieur. À cela aussi, remarquent-ils, le Premier ministre s’applique d’une façon persistante. Il fait appel à des instructeurs étrangers et cherchent à développer les ressources intérieures du pays. Il conçoit même l’espoir d’organiser la fabrication d’armes et de munitions sur place, tout en s’en procurant en Europe. « Là encore ce fut un échec. » L’armée se montre, en effet, lamentable quand la crise finale arrive. Quant aux questions financières, elles ne sont pas résolues d’une façon plus heureuse. On peut dire qu’en fin de compte, selon les deux auteurs, Rainilaiarivony échoue à peu près sur toute la ligne, aussi bien dans le domaine de la politique intérieure- « puisque le régime finit dans le désordre et l’anarchie »-, que dans celui de la politique extérieure, « puisque le pays perd finalement son indépendance ». Chapus et Mondain estiment que le Premier ministre est en partie victime de cet état de choses. Il a la charge d’une nation, dont les aspirations profondes, trop longtemps refoulées par Ranavalona Ire, n’ont pas « le nombre d’années suffisant pour se réaliser en se détachant progressivement et organiquement des conceptions primitives que des siècles d’accoutumance avaient enracinées dans les esprits ». Au final, ils soulignent que lui-même, bien qu’il se complaise à parler d’avancement et de progrès, « resta pourtant, par un côté de sa mentalité, attaché à des modes anciens d’existence et fut, par conséquent, un homme du passé ».
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