Laurent Rajaonarivelo - « Le prix actuel devrait afficher 475 ariary de plus »


Laurent Rajaonarivelo, Directeur général de l’office malgache des hydrocarbures, apporte plus de précisions sur la baisse du prix du carburant engagée depuis le 20 juin dernier. L’État prévoit d’importer du carburant. Ses explications, en outre laissent transparaître que le prix appliqué à la pompe est encore loin de la vérité des prix du carburant. Toutefois, les mesures prises par l’État s’annoncent, encourageantes. • La démarche dans les négociations sur la baisse des prix du carburant a-t-elle été consensuelle ? - L’État n’a pas d’intérêt à ce que les pétroliers ferment boutique. Aussi, la démarche a été consensuelle et s’est déroulée dans un esprit gagnant-gagnant. Celle-ci s’est reposée sur trois principes à savoir la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs, la rentabilité pour les pétroliers, et le non recours aux subventions. L’État a pensé à réviser la structure tarifaire du carburant depuis 2016. Celle qui est sortie dernièrement constitue la structure définitive du prix du carburant. • Quels paramètres ont été demandés à baisser ? Ils comprennent ce qu’on appelle les éléments structurels tels la marge des pétroliers, les services de l’État dans le secteur, les taxes et redevances et le fret maritime. La tonne métrique du transport du carburant est redescendue à 40 dollars contre 68.71 dollars auparavant. Le sort définitif de ce paramètre spécifique attend l’effectivité de l’importation conjointe de carburant prévue entre l’État et les opérateurs pétroliers. Les marges des compagnies pétrolières ont été négociées à 100 dollars par m3 contre 120 dollars auparavant. Je souligne qu’en Afrique, cette marge est en moyenne à 60 dollars. Le terminal pétrolier de déchargement des produits de la société Galana coûtant 18.17 dollars par m3 a été négocié à baisser à 10.81 dollars. La chaîne logistique assurée par Logistique pétrolière également connaît une baisse de coût allant jusqu’à 70 dollars si elle était de 78.80 dollars auparavant. Les frais de service tels les frais de débarquement au port de Toamasina, les frais pour l’Agence portuaire maritime et fluviale (APMF), les douanes connaissent également une baisse. La marge pour les stations services par contre est maintenue à 20 dollars par m3 et les redevances pour le Fonds routier ont augmenté de 5 ariary par litre. • Vous avez dit que l’Etat importera du carburant. Les compagnies se constitueront alors de simples distributeurs ? - L’État prévoit d’importer du carburant en effet, mais les compagnies pétrolières continueront en même temps d’en importer. Une organisation conjointe d’importation entre l’Etat et les pétroliers est prévue mais je ne peux pas vous en dire plus vu que les détails sont au niveau du ministère de l’Énergie et des hydrocarbures et ne relèvent pas des attributions de l’OMH qui est surtout un régulateur du secteur pétrolier aval.

Le gouvernement prendra des mesures nécessaires pour maintenir le prix actuel..

• Qui d’autres envisagent d’importer du carburant ? - La Jirama a obtenu sa licence d’importation et de transport de carburant le 26 avril dernier. La compagnie d’eau et d’électricité peut ainsi utiliser les infrastructures en place. Le terminal, la logistique pétrolière sont ainsi à sa disposition. Quant à sa première commande, l’opportunité d’importation revient à la partie opérationnelle de la Jirama et non de l’OMH. Je précise tout simplement que la préparation d’un lancement d’un appel d’offres pour une quelconque commande de ce genre prend du temps et peut aller jusqu’à six mois. Une situation qui pourrait changer la donne de la concurrence. • Justement, les contrats des fournisseurs de la Jirama sont remis sur le tapis notamment en raison du prix du carburant. Quel intérêt de négocier avec les fournisseurs si la Jirama va en importer ? - Tous les besoins ne sont pas comblés et le marché est encore large. L’avantage pour la Jirama est de pouvoir approvisionner directement ses centrales sans passer par des intermédiaires. Mais elle aura toujours besoin des compagnies pétrolières pour une raison ou une autre. Si le prix sur le marché local lui est intéressant, elle se tournera vers les compagnies pétrolières locales, s’il se présente trop cher, la Jirama peu importer chez qui lui semble rentable. Je souligne que la nouvelle structure tarifaire s’applique également à la Jirama, c'est-à-dire la partie marge des pétroliers, afin qu’elle puisse l’intégrer dans le calcul de son prix de revient. • On a beaucoup parlé d’une licence accordée à la société Sodiat ? Qu’en est-il réellement de cela ? - La société Sodiat n’a pas de licence et n’a pas déposé une quelconque demande de licence. La demande de licence est ouverte à toute société désirant importer du carburant. Il suffit de fournir des dossiers techniques et financiers et l’OMH en fait des études. • Revenons à la baisse du prix du carburant. Jusqu’à quand l’actuel prix à la pompe tiendra-t-il ? - Le gouvernement prendra des mesures nécessaires pour maintenir le prix actuel. Ce prix tiendra encore ce mois de juillet. Toutefois, je reprends ce qu’a dit le ministre de l’Énergie et des hydrocarbures, Vonjy Andriamanga, la semaine dernière. À partir de maintenant, les éléments conjoncturels de cette nouvelle structure, tels le prix du baril, seront intégrés dans le calcul du prix à la pompe tout en appliquant un système de lissage de prix mis en œuvre depuis 2013. Un système de lissage entrepris par l’État afin d’atténuer les impacts du prix réel sur les consommateurs. Si le prix du baril arrive à augmenter au mois prochain, comme je l’ai souligné, le gouvernement prendra alors les mesures pour garder le prix à la pompe actuel. • Le passif des pétroliers s’élève à quelques 145 milliards d’ariary avec ce système de lissage de prix, comme l’a déclaré le ministre de l’Énergie, comment payer alors les dettes avec toute cette baisse ? - L’État a intérêt à réduire ce passif et les négociations amènent à la nouvelle structure tarifaire à effet rétroactif au 1 er janvier 2019 et a fait baisser ce passif à 110 milliards et dont le reste sera payé au fur et à mesure. Pour faire court, si le prix de référence calculé (PRC) comprenant le prix référence frontière, le transport et le stockage, la distribution, les taxes et redevances ainsi que l’ajustement du prix à la pompe par exemple est de 4100 ariary au mois de janvier, la nouvelle structure ramène ce PRC à 4000 ariary par exemple, tenant compte des marges et frais réduits, expliqués plus haut, les 100 ariary sont ainsi à calculer avec le volume des produits commercialisés sur le réseau national. Le besoin annuel s’élève à 600 000 m3, tous produits confondus. Et cela a donné cette réduction de passif. La question qui reste sans réponse demeure cette marge réelle des pétroliers. La réduction de marges constitue toujours des pertes en effet. Si on parle de pertes pour les compagnies pétrolières, ce sont des pertes par rapport à quoi dans cette marge ? Quel pourcentage donné aux pertes par rapport à la marge réelle ? Est-ce par rapport à l’investis­sement ? Et s’agit-il des marges prises selon les conventions internationales en matière d’investissement ? C’est pour cela que le président Andry Rajoelina a voulu réajuster cette marge. • Toujours est-il que nous sommes encore loin de la vérité de prix dans toute cette histoire de baisse de prix ? Où en est-on ? - Il y a encore un écart effectivement entre le prix de référence calculé c'est-à-dire le prix réel et le prix à la pompe. Un écart de 126 ariary par litre en moyenne. La nouvelle structure de prix a permis de gagner 475 ariary par litre. S’il n’y avait pas cette nouvelle structure, et si on applique la vérité de prix, le prix à la pompe afficherait 475 ariary de plus normalement.  
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