Avoirs illicites - La confiscation sans jugement acquise


L’ordonnance portant recouvrement et affectation des avoirs illicites a été prise en conseil des ministres, hier. Le texte consacre une confiscation sans jugement des biens mal acquis. Le dénouement. Après plusieurs mois de gestation et quelques « fausses couches », les débats concernant le texte sur le recouvrement et affectation des avoirs illicites a connu son épilogue, hier. Une ordonnance y afférente a été adoptée en conseil des ministres, hier. Elle consacre, entre autres, une possibilité de « confiscation sans jugement », des biens mal acquis. « Nous sommes satisfaits du travail fait et de ce dénouement puisque le texte retient le principe de la présomption d’illicéité », réagit un acteur du Système anti-corruption (SAC). Il ajoute que « c’est, sans nul doute, une avancée majeure dans la lutte contre la délinquance financière et la corruption. Nous attendons la mise en vigueur de ce texte depuis plusieurs mois ». La configuration des dispositions que contient cette ordonnance distinguerait les avoirs illicites de leur propriétaire. « En distinguant les biens mal acquis des auteurs du délit, on peut procéder à une confiscation sans attendre qu’il y ait une poursuite judiciaire. Qui dit jugement, dit auteur. Ici, pourtant, il n’est pas encore question de définir qui est l’auteur du délit, juste d’identifier l’avoir illicite. Même si l’auteur n’est pas connu, ou en fuite, nous pourrions confisquer le bien mal acquis, dès lors que son caractère illicite est établi », explique un technicien ayant participé à la confection du texte adopté, hier. L’ordonnance prise, hier, compte trente-cinq articles, selon le rapport du conseil des ministres, soit la moitié de ce que compte la version originale qui prévoyait soixante-dix articles. Le texte est, visiblement, allégé, « mais la plupart des points techniques retirés devraient figurer dans les décrets d’application », ajoute la source auprès du SAC. Selon les explications, l’ordonnance adoptée, hier, se concentrerait plus sur la lutte contre les détournements de deniers publics et la grande corruption dans l’administration publique. Réserve La version précédente aurait eu comme ambition de concerner autant le secteur public que le secteur privé. L’État voudrait avancer à pas mesuré afin d’éviter de doucher l’enthousiasme des investisseurs internationaux. Un opérateur privé affirme, cependant, que le secteur privé souhaiterait, justement, plus de sévérité dans la lutte contre la délinquance économique et assainir le monde des affaires. « Même si on veut faire un long saut, l’essentiel est d’avancer même à petit pas », argue la source technique. Le fait est que « le cadre juridique de la lutte contre la corruption et les délits financiers couvre toutes les violations possibles qu’il soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, particulièrement, s’il s’agit de la grande corruption », soutient une source auprès du Bureau indépendant anti-corruption (BIANCO). À en croire les explications donc, une fois que le caractère illicite de leur enrichissement déterminé, la loi sur la lutte contre la corruption, la lutte contre le blanchiment d’argent et l’ordonnance prise, hier, ne devraient permettre aucune échappatoire légale aux délinquants. L’ordonnance d’hier, est annoncée comme la dernière prise par Andry Rajoelina, président de la République, dans le cadre de la délégation du pouvoir de légiférer que lui a accordé le Parlement. Avant l’entrée en scène de la nouvelle Assemblée nationale, le pouvoir, de prime abord, a pris une décision politique importante. Le concept de présomption d’illicéité des biens était, en effet, la principale raison pour laquelle le texte avait été bloqué, depuis deux ans, par les anciens pensionnaires de la Chambre basse, dont plusieurs sont, provisoirement réélus. Maintenant que l’ordonnance est adoptée et en attendant l’issue de son contrôle de constitutionnalité, son application implique une certaine réserve. Comment éviter les abus et les démarches arbitraires ? « Il s’agit d’une grande avancée, mais l’enjeu est d’avoir des acteurs compétents et indépendants pour éviter les abus et les dérives. Sans un système anti-corruption sain, non pollué par la politique et avec des acteurs déterminés, il y aura toujours un risque. En tout, toute procédure ne sera déclenchée que suite à des doléances ou des plaines », indique la source au sein du SAC.  
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