Faux d'artifice


Après avoir annoncé que l'explosif utilisé à Mahamasina en plein concert du 26 juin, tuant trois personnes et blessant moins d'une centaine d'autres,était une grenade offensive , le gouvernement a changé d'avis. Il a rectifié que finalement il s'agissait d'une bombe artisanale et que l'acte était simplement criminel et non terroriste comme il l'avait qualifié. La précision est d'importance pour la suite de l'enquête même si cela ne change pas le bilan de l'acte qui risque de s'alourdir. Si c'était une grenade, cela voudrait dire tout simplement qu'il y a des failles sinon des fissures au sein des forces de l'ordre. Politiquement,  cela signifie que l'unité tant vantée des forces armées est lézardée, qu'il existe des mutins en puissance. L'avertissement est sans frais.  C'est cette perception que l'État ne veut pas véhiculer au risque d'ébranler davantage cette prétendue unité, étant donné que des militaires enquêtés serait synonyme d'existence d'une faction rebelle qu'on le veuille ou non . Il a fallu également rassurer l'opinion internationale à  cinq mois de la tenue du Sommet de la francophonie. Des grenades qui circulent et explosent dans un stade est l'illustration parfaite d'une sécurité précaire et mal maîtrisée. Assurer la sécurité d'une cinquantaine  de chefs d'Etat et les délégations qui les suivent est aussi ardu et compliqué que contrôler 50.000 spectateurs dans un stade dont la clôture s'écroule comme par hasard. Ce qui s'est passé à Mahamasina pourrait sérieusement hypothéquer la tenue de ce sommet à Antananarivo. Une conséquence qui a échappé aux membres de l'Exécutif réagissant à chaud et pressés de mettre l'acte au crédit des opposants en particulier du sénateur Lylison  sous le coup d'un mandat d'arrêt. Une erreur grossière en terme de communication qu'il a fallu rattraper de manière rocambolesque et loin d'être convaincante. Voilà pourquoi le gouvernement a minimisé le drame le qualifiant de simple acte criminel  comme si un acte terroriste ne l'est pas. Simplifier le problème c'est assurément se compliquer la vie pour la suite. Conclure et se satisfaire qu'il ne s'agit pas de terroriste alors que l'enquête ne fait que commencer, c'est s'exposer à d'autres actes encore plus dangereux. Le mieux c'est d'arrêter à tout prix les vrais criminels et démontrer que ce ne sont que des apprentis artificiers qui auraient voulu tester l'efficacité de leur invention. Cette volte-face sert également à éviter de semer la panique au sein de l'opinion sur la circulation d'armes de guerre qui peuvent être utilisées dans d'autres éventuels attentats. Dorénavant, les spectacles ou tout autre attroupement, voire les marchés sont des endroits à risque. Mais la population est habituée aux attaques armées meurtrières devenues sa tasse de thé. Dire qu'il s'agit d'une bombe artisanale et non d'une grenade est en quelque sorte l'insulter étant donné que la circulation des armes de guerre est une réalité criante contre laquelle l'État et les forces de l'ordre sont impuissants sinon n'ont aucune volonté d'y mettre un terme. Le nombre des victimes d'attaques armées au quotidien à Madagascar est de loin supérieur à celui d'un pays en guerre comme la RD Congo ou le Mali. En tout état de cause, la nature de l'explosif n'efface pas la faillite totale des forces de sécurité plus occupées à surveiller les «sifflotteurs»  du Président qu'à détecter les criminels. D'ailleurs, c'est tous les jours qu'ils doivent assurer la sécurité des personnes et de leurs biens comme elles aiment à le fanfaronner et pas seulement durant la fête nationale. Tant qu'à faire et comme le ridicule ne tue pas, au contraire d'une bombe artisanale, il aurait été mieux d'avancer qu'il s'agissait en fait de faux d'artifice. C'aurait été plus plausible étant donné qu'ils peuvent tuer. C'était aussi un 26 juin en 2008 à Toamasina. Par Sylvain Ranjalahy
Plus récente Plus ancienne