Un rôle politique pour les Collines sacrées


Les Douze collines sacrées, (ou 21) ont toutes un point commun: leurs habitants sont sujets directs du roi. Toutefois, chacune a des prérogatives spéciales. Les aînées des Douze montagnes sont les seules invoquées dans les prières. Il s'agit d'Ampandrana, Merimanjaka, Alasora, Ambohidrabiby, Antananarivo et Ambohimanga. Les montagnes à «ombivolavita» sont celles vouées aux ancêtres. Lors de la célébration du Fandroana, le roi leur offre de son cheptel bovin, les « ombivolavita  ». Mais la livraison des animaux suit un ordre établi: Ambohi­drabiby, «Hasin'Imerina», est la première à être servie; suivent Ambohimanga, Antananarivo, Ambohidrontsy, Alasora, Ambohidratrimo, Ilafy et Namehana. Pour Bruno Razafindrakoto-Hasina, la liste des «Tantara ny Andriana eto Madagascar» est la plus conforme aux volontés d'Andrianam­poinimerina. Elle comprend quinze collines. Ce concept de colline sacrée existe, selon lui, sous Andrianampoinimerina. « La colline sacrée est un système d'interférence; elle est en même temps projection et essence de la souveraineté. » En effet, rendue sacrée une colline voit s'édifier la « Tranomasina » ou la « Tranomanara » si le tombeau n'en porte pas encore, et comporte la pierre où le sacrifice du «ombivolavita» se fait lors du Fandroana, et bien d'autres objets de vénération. « Faveur royale, disaient les habitants car sujets directs du roi, lieu sacré... mais il y a là aussi une attitude intéressée adoptée avec une arrière-pensée de la part du roi. » L'auteur donne l'exemple de Kaloy qui serait plus une colline d'exil qu'une colline sacrée: « Ralainanahary et Ramanantenasoa seront tenus de respecter et de faire respecter la souveraineté par l'observation des pratiques. » À rappeler que Ralainanahary, fils qu'Andria­nampoinimerina a avec Rabodo, et Ramanantenasoa, une de ses douze épouses, sont compromis dans un complot dirigé contre le roi. Une colline sacrée acquiert aussi le « hasina » (caractère sacré, saint), « symbole du pouvoir royal et du charisme du souverain », du fait qu'elle abrite en son sein les restes d'un ancêtre royal reconnu. Toujours d'après l'auteur, le roi obtient la souveraineté de deux manières différentes mais conjuguées. Pendant sa première sortie officielle sur la pierre sacrée, le futur roi se proclame héritier des Douze qui ont régné. «Ensuite, il revêt le caractère sacré, divin par émanation d'une effluve magico-religieuse du Vatomasina » (Louis Michel). Ce « hasina » se concrétise par le serment d'allégeance des hauts dignitaires andriana et hova « en gage de soumission et de reconnaissance du caractère divin du roi», et par le «hasina » proprement dit, la piastre non coupée. Le «hasina» a aussi un caractère politique. Andrianampoinimerina sait relever la dignité royale que plusieurs de ses prédécesseurs ont avilie par leurs dissensions sinon leurs injustices. «Le roi doit être dévoué au peuple, plein d'humanité et de clémence, juste et impartial. De son côté, le peuple l'accepte comme maître absolu des personnes, des biens et des terres. » La souveraineté du roi se matérialise par l'offrande des «hasina» (piastre non coupée, culotte d'un bœuf abattu ou sacrifié) à différents évènements: le « prix de la vie » d'un condamné, la circoncision d'un fils du roi, l'affranchissement d'un esclave, l'impôt sur la terre... Cela aboutira finalement au culte des ancêtres. « En recrudescence vers l'aube de l'Indépendance, celui-ci s'attire une clientèle de toutes les couches sociales. Et ce culte observe à peu de chose près les rites d'antan », conclut Bruno Razafindrakoto-Hasina.
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