La décadence d’une année


Chez nous, les fêtes dégagent une fragrance nauséeuse : comme si le prix à payer pour sortir de la prison de la vie quotidienne, empoisonnée par la lourdeur de la routine, se chiffrait à des millions de tonnes de pestilences et de décibels. C’est durant ces derniers souffles de l’année que deux esprits sont au sommet de la forme : l’esprit de la fête qui aspire à habiter chaque homme mais qui est obligé, par un mariage forcé, à constituer un ménage malheureux avec le spectre de la lassitude qui peut totalement posséder ceux qui sont pourvus d’une mentalité civique et qui souffrent d’une intolérance aux bruits et à la saleté. Les derniers passages du dernier chapitre de l’année sont les lignes où s’écrivent les symptômes de la déca­dence qui se manifeste dans un climat où règnent les bruits de la décrépitude qui se transmet à l’homme qui vit alors un moment où l’expérience pathologique annuelle d’une lassitude aiguë due aux parasites à forts décibels qui infectent momentanément son cerveau, se fait connaître. Dans ces moments où l’esprit divague dans cet océan tumultueux aux vagues sonores sans harmonie ni cohérence qui le possèdent et créent en lui le désordre, l’exorcisme peut être la musique. « Si la musique est l’aliment de l’amour, jouez donc » disait le duc Orsino dans La Nuit des rois (W. Shakespeare). La musique, de par son essence qui joint rythme, mélodie et harmonie, est le pendant du régiment anarchique des bruits qui instaure la pollution sonore qui a perverti le sens de la fête. C’est à cette armée sonores de nuisibles qui s’attaquent à nos oreilles que doit répondre la musique. Aux fausses notes d’Assurance tourix, le barde du village d’Astérix, ou de la trompette du Schtroumpf musicien, doit répondre la lyre mélodique d’Orphée. « La vie sans musique est tout simple­ment une erreur, un calvaire, un exil » écrivait Nietzsche. Et cette attaque des bruits ne peut évidemment pas se passer de sa fidèle compagne, l’autre signe avant-coureur de l’imminence de la mort d’une année. La décadence, telle que la montre cet esprit perverti des fêtes, c’est aussi l’amoncellement des ordures qui exhalent ce qui est devenu le parfum de la fête: une odeur nauséabonde saisonnière qui peut finir par achever l’image de la fête. Une puanteur, celle de l’année qui agonise? L’année 2020 vit ses derniers jours. Son décès sera bientôt déclaré pour laisser la place à son successeur. Elle aura été, incontestablement, une annus horribilis. Difficile pour 2021 de faire pire.
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