Condition humaine - C’est quoi la misère ?


La trentaine, tee-shirt défraichi, pantalon en tire-bouchon, quelques mégots de good look jetés ici et là, l’étranger a tout de ces nouveaux pauvres que l’on rencontre dans les rues des villes européennes. Là où cela détonne, c’est qu’on est à Tana un mois de février 2007. A-t-il fui les rigueurs de l’hiver austral pour se retrouver à faire le trottoir dans une ville d’un pays…pauvre, en embuscade près de quelque grand hôtel ? On a beau s’être clochardisé, on garde encore un peu de son amour-propre, et ce naufragé ne veut s’adresser qu’à des personnes de même origine. Bien malgré lui, il offre un spectacle inhabituel aux badauds prompts à s’attrouper, un sourire revanchard aux lèvres. Vazaha lany mofo l’ty e ! Et si c’était une misère voulue, qui dépasse nos paramètres connus ? À la croisée des multiples Journées mondiales de ceci et de cela et de la répartition inique des richesses, la misère a toujours été d’actualité. Malheureusement. En France, il y a une petite dizaine d’années, elle a donné prétexte à l’ouverture d’une exposition consacrée au roman Les Misérables de Victor Hugo. Les dimensions sociales, politiques, philosophiques de cette œuvre ont à cette occasion été mises en lumière. On y a aussi appris que lors du lancement de son livre, l’écrivain avait rameuté la presse de l’époque, acheté des encarts, bref, fait du marketing avant l’heure. L’exposition, tenue dans son ancienne maison Place des Vosges à Paris, a permis de poser la question : Qu’est ce au juste que la misère ? Rejet La responsable d’une organisation œuvrant dans l’humanitaire la définit comme le fait de se sentir de trop dans ce monde, de n’y avoir pas sa place, et de n’y concerner personne. La misère, c’est la violation permanente de tous les droits qui devraient avoir cours dans un contexte social digne de ce nom : droit d’être protégé dans sa santé, droits d’avoir des ressources pour faire vivre soi-même et sa famille, droit au logement, au travail, à la culture et à l’instruction… Bien que n’étant pas exclusivement expliquée par le manque d’argent, on la lie souvent à la pauvreté et à son seuil qui permet d’estimer l’importance de la population survivant en deçà de cette limite. L’amalgame risque d’être trop hâtif, et un pays pauvre n’est pas nécessairement un pays « misérable ». L’inverse est tout aussi vrai, et c’est ce qui a amené un certain rejet des valeurs occidentales chez des auteurs comme Goethe, Chateaubriand, Nerval, Vigny Hermann Hesse, ou Henry Miller et bien d’autres encore, à travers les époques. Plus proche de nous, cela a été la source d’une recherche plus ou moins ratée d’une régénération par l’exil, car comme le disait Heinrich Heine, l’Occident est « dégoûté de sa faible et froide spiritualité », et d’une civilisation où la réussite matérielle constitue la valeur suprême. Contrairement à la pauvreté que l’on peut facilement quantifier, la misère est multidimensionnelle, elle peut être morale ou spirituelle. Laissons le… micro à Claude Nougaro pour mettre moins de gris à ce ciel de fin d’année : Donne-moi la main camarade Toi qui viens d’un pays Où les hommes sont beaux Serre-moi la main camarade J’ai cinq doigts moi aussi On peut se croire égaux…
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