Edouard Joubeaud - « Haingo est une héroïne moderne, un modèle de persévérance et de courage »


Réalisateur vouant une admiration particulière pour la Grande île, son folklore et ses habitants, Edouard Joubeaud nous évoque en exclusivité l’essence du projet inédit « Haingosoa ». Parlez-nous de vous ? Je m’appelle Edouard, j’ai 44 ans et je vis à Paris. Adolescent, j’ai travaillé avec Agnès Varda. Plus tard, j’ai réalisé quelques documentaires en lien avec Madagascar et surtout beaucoup de films et de bandes dessinées pour l’Unesco. D’ailleurs l’une d’elles dresse le portrait de Gisèle Rabesahala, grande femme politique malgache du XXe siècle. On peut la lire sur le site Femmes dans l’histoire de l’Afrique de l’Unesco. La rencontre avec Haingo et sa famille, ces dernières années, m’a ensuite donné l’envie de réaliser Haingosoa avec eux. Quel est votre genre de prédilection en ce qui concerne le cinéma ? À part les films de zombies coréens, je n’ai pas de genre de prédilection, mais surtout le désir de voir plus d’histoires portées par des femmes, soit à travers leur actrice principale, soit à travers leur réalisatrice. J’ai récemment vu Furie ( titre Hai Phuong en vietnamien) un film de kung-fu. C’est l’histoire d’une femme qui traverse le Vietnam pour retrouver sa fille kidnappée par un réseau de trafiquants d’organes. Le scénario n’est pas le point le plus fort, mais la photographie est très réussie. Comment vous est venue l’idée de réaliser le film Haingosoa ? Le film Haingosoa est avant tout le fruit de ma rencontre avec Haingosoa Loharano Vola, l’actrice principale, et de l’amitié qui en a découlé. Haingo est la fille cadette de Remanindry, musicien tandroy qui réside à Toliara. J’ai commencé à les fréquenter à partir de 2010. Au fil des ans, j’ai appris à mieux connaître Haingo et je la découvre, en 2015 alors qu’elle a 19 ans, mère d’une petite fille. Elle se confie alors à moi sur l’épreuve d’être tombée enceinte à 16 ans, ses difficultés pour payer la scolarité de sa fille et surtout, la douleur d’avoir été quittée par le père de Marina, son petit copain d’alors, aux premiers mois de la grossesse. Nous parlons de l’école de Marina et je lui propose, deux ans plus tard, de faire ce film comme un moyen de conjurer le sort. Nous avons ensuite travaillé ensemble pendant plus d’un an et nous avons fait la post-production à Paris. Le film est donc une fiction qui prend sa source dans le quotidien de ce t te jeune maman et dans son désir de prendre une revanche sur la vie si l’on peut dire. Le personnage principal illustre la persévérance, le courage et la passion chez une femme, ce sont là les thématiques du film ? Oui le film parle de persévérance, mais également de transmission familiale. Haingo se sent coincée à Toliara, elle vit avec sa fille chez ses parents. Sa famille est protectrice, certes, mais également chargée de reliques d’une tradition parfois bloquante. Elle va devoir d’une certaine manière s’éloigner d’elle, pour finalement revenir, d’une certaine manière. Le film parle également de la relation entre les différentes communautés de l’île. Haingo vient de Toliara, elle va se confronter à une autre culture, celle des Hautes Terres. Le film parle donc de cette rencontre entre deux univers à la fois propres à Madagascar et assez différents en fin de compte. Certaines musiques du film, certaines danses sont les résultats de ce choc, de cette rencontre, de ce mariage autrement dit. Au-delà de son exploitation chez Cinépax, vous projetez de le diffuser partout à Madagascar grâce au réseau des AF, pourquoi ce choix ? Mon souhait est que Haingosoa soit vue par le plus grand nombre possible, les femmes et les jeunes filles notamment. Beaucoup peuvent se reconnaître à travers elle, à travers sa combativité et sa force. Haingo est une héroïne moderne. Il sera tout d’abord programmé au Cinépax à partir du 6 novembre. Le réseau des Alliances françaises de Madagascar, permettrait ensuite de toucher d’autres publics, dans les villes de provinces notamment. Vos prochains projets rentreront -ils dans cette continuité ? Madagascar est un pays qui m’a fait grandir et devenir qui je suis, j’y ai beaucoup de mes repères et de mes amis. Je dois dire que je suis assez fasciné par cette société, à la fois si proche et si loin, et absolument foisonnante à l’opposé de la société française qui me paraît beaucoup plus formatée. Oui, d’autres projets en lien avec Madagascar sont en cours, c’est un pays d’une cinégénie incroyable. Comment voyez-vous le cinéma ou l’industrie naissante du cinéma à Madagascar ? Le pays regorge de talents et de désirs fous de réaliser et de produire. Je trouve également que les chaînes de TV thématiques offrent des possibilités de production locale à travers les séries par exemple. Mais pour l’émergence d’une véritable industrie du cinéma, il manque encore à mon avis certaines conditions déterminantes : des financements publics et privés, des formations de haute qualité, un réseau de salles de cinéma... [caption id="attachment_114490" align="aligncenter" width="549"] « Haingosoa » est l’histoire d’une femme qui éveille nos émotions et inspire à une vie meilleure.[/caption]  
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