Différents courants chez les Menalamba


ÀMadagascar, après avoir employés les mots « protection » en 1885, « protectorat et toutes ses conséquences » en  1895, le gouvernement français ne dit plus rien en 1896. « Par le subterfuge du protectorat, on voulait une colonie qui ne disait point son nom; en ne disant rien, on pensait encore raffiner sur ces subtilités qui, n'embrayant pas sur le réel, autorisaient toutes les audaces et tous les espoirs » (Roger Pascal, Bulletin de Madagascar, octobre 1966). En fait, cette confusion volontaire, « préparait contre le régime civil, appelé à gouverner d'abord Madagascar, et contre la monarchie malgache qu'il avait pour collaboratrice et pour instrument, le mouvement d'irritation qui devait grandir jusqu'à les emporter, l'un et l'autre, monarchie malgache et régime civil » (Hippolyte Laroche). On commence par rattacher Diego-Suarez, Sainte-Marie et Nosy Be- où s'étend déjà la souveraineté de la France- au reste de l'île pour faciliter l'administration. Et pour éviter les réclamations des puissances étrangères qui, pour des raisons commerciales, invitent la France à dévoiler ses intentions, Madagascar est d'abord  rattaché au ministère des Colonies (décret du 27 janvier 1896) puis annexé (loi d'annexion du 6 août 1896). Le résident général se voit ainsi tenu par les instructions du ministre des Affaires étrangères Berthelot, partisan du protectorat, puis par celles du ministre des Colonies Gueysse qui entend conserver « l'administration  indigène comme rouage, afin d'utiliser pour l'exécution des volontés françaises, l'autorité que les traditions lui sont acquises sur la population ». La France ne met en doute ni la loyauté aux traités ni l'autorité de la reine. Aussi, les instructions reçues par Laroche sont-elles très minces. Et s'il doit en solliciter d'autres, il lui faut attendre deux mois pour recevoir une réponse à cause des difficultés de communication. De toute façon, il n'a ni hommes ni argent pour remplacer les fonctionnaires défaillants, seulement une poignée de résidents. Ceux-ci sont chargés d'exécuter les ordres du résident général, contrôlent l'administration locale et prennent toutes mesures nécessaires pour assurer l'ordre et la sécurité dans les circonscriptions. Ils exercent aussi les fonctions d'officier d'état civil et de notaires, et peuvent être investis des fonctions du juge de paix. « C'était une situation que l'insurrection allait rendre vite intolérable.» D'autant que, dès le début du mouvement des Menalamba, de nombreux Français se méprennent sur ses causes et son importance. Le Bulletin du comité de Madagascar du 26 décembre 1895, l'écrit d'ailleurs. « Les troubles de l'Ouest sont apaisés; ils ont été, vous le savez, l'œuvre d'une bande de paysans imbéciles et superstitieux qui ont obéi aux menées de fauteurs de désordres qui obéissaient eux aussi, selon toute probabilité, à des grands personnages de Tananarive. » Cette erreur sur la nature du soulèvement, d'après Roger Pascal, sera lourde de conséquences. En effet, pour lui, il faut distinguer plusieurs courants dans le mouvement des Menalamba: celui du vieux parti hova qui choisit d'attendre; celui des hommes « de sac et de corde » qui entendent profiter de l'ébranlement des assises administratives; celui de l'immense foule de pauvres gens qui, voyant s'écrouler leur univers, se tournent vers l'antique croyance et au nom de la volonté de leurs ancêtres, prennent les armes. Car pour ses sujets, « la reine- qui vient d'être déposée- représente tout en tant qu'institution et en tant que descendante d'Andrianampoini­merina, fondateur de la monarchie merina ». En face, Hippolyte Laroche, responsable mais à qui l'on retire les moyens d'assumer cette responsabilité. Les militaires voient sans grand enthousiasme une autorité civile. « Nous étions en 1896, les troupes de marine formaient pratiquement une armée de métier- et on sait que Laroche est un ancien officier de ce corps- et le militaire vainqueur ne pouvait guère nourrir de considération pour un Pékin.» En outre, des incidents stupides- comme celui du capitaine apostrophant grossièrement un caporal qui commet l'impudence  de saluer un résident en uniforme- éclaire bien sur l'état d'esprit du corps expéditionnaire. Enfin, le général Voyron, disposant d'effectifs réduits, « n'était pas disposé à servir Hippolyte ». Son principal souci est de protéger la population européenne concentrée dans la capitale et d'assurer le ravitaillement difficile et onéreux par un sentier muletier. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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