Épidémie de coronavirus - Des enfants subviennent aux besoins de leurs familles


L’épidémie de coronavirus affecte la vie de plusieurs ménages. Plusieurs enfants se sont résolus à travailler pour aider leurs familles à survivre. Un petit garçon de la taille d’un enfant de 8 ans, visage recouvert de sable fin, casse avec toutes ses forces des pierres en plusieurs morceaux non loin d’une excavation, dans le village d’Ambohimalaza, district d’Avaradrano. Massette dans sa main droite et le pierre à casser dans sa main gauche, tantôt il s’assied, tantôt il s’agenouille, il cherche la meilleure position qui lui met à l’aise pour centraliser toute son énergie dans ses bras et dans ses épaules. Lorsque nous nous sommes approchés de lui et d’un autre garçon qui faisait le même travail, à côté de lui, les deux se sont précipités à lâcher leurs massettes et à cacher leurs visages avec leurs avant-bras. « Nos visages sont trop crasseux. Nous en avons honte ! », lance le plus jeune. Un autre garçon, plus âgé qu’eux, leur rappelle qu’ils doivent remplir le récipient devant eux, soit le quart d’un mètre cube de gravier, avant la fin de la journée. Ils reprennent leur outil de travail et se remettent au boulot, en silence. Du haut de ses 1 mètre 20, ce garçon de 12 ans, qu’on appellera Hery, travaille dans cette carrière avec quatre de ses frères et sœur, dont l’un qui a cassé les pierres, près de lui et l’autre qui lui a demandé de se remettre au travail, depuis le mois de juillet. Seul l’ainé de la troupe est majeur, les quatre autres sont âgés de 16, de 15, de 14 et de 12 ans. « Notre mère nous a dit qu’il faut qu’on l’aide pour subvenir aux besoins, vu que notre père n’est pas là », lance Hery. Selon la mère, elle a été obligée de faire travailler ses enfants à cause de la précarité. « Si j’avais le choix, je n’aurais pas demandé à mes enfants de travailler. Vous croyez que c’est facile de voir un enfant de 12 ans faire ce travail ? Mais avec notre condition de vie, nous pouvons mourir de faim » lance la quadragénaire. Travail épuisant Cette fratrie de neuf enfants, dont le plus jeune est âgé de 2 ans, et leur mère, vivaient dans la précarité totale, depuis que leur père est parti à Antsirabe, au mois de février. Il y est resté bloqué, à cause de la fermeture des frontières de la région d’Analamanga, suite à l’épidémie de coronavirus. « On a dû faire la quête chez des voisins pour trouver à manger. On ne mangeait que le soir ou le midi. A la longue, c’est devenu gênant vis à vis de nos voisins. On a décidé de travailler car on avait honte. Depuis, notre vie s’est améliorée. Notre mère a aussi trouvé un travail. On mange trois fois par jour, maintenant, et on ne mange plus que du riz. On peut s’acheter des légumes, des légumes secs, des œufs », témoigne Toky (nom d’emprunt) l’un des frères, âgé de 16 ans. Ils gagneraient 3 000 ariary par jour et par personne. La journée commence très tôt pour ces jeunes. Ils se réveillent vers 5 heures du matin. Avant de partir à la carrière, ils assurent les tâches ménagères, notamment, chercher de l’eau, préparer le petit déjeuner, balayer la maison, faire la vaisselle. Vers 6 heures, du matin, les fratries se dirigent vers l’excavation. Ils ne termineront que vers 16 heures 30. La pause qu’ils pourront se permettre durant leur longue journée, c’est celle du déjeuner. Mais ils doivent encore parcourir un kilomètre, pour manger à la maison et refaire le chemin pour travailler. Ils n’ont pas de temps de répit. A la fin de leur journée de travail, ils retournent chez eux et s’activeront pour les tâches ménagères. Ils sont fatigués. « Je ressens des douleurs aux épaules, aux bras, et aux mains. Le soir, je demande à ma mère de me faire un massage pour me soulager », s’est plaint Hery, tout en parlant des nombreuses fois où la massette blesse ses petits doigts et sa petite main. Ces enfants ne comptent pas rester dans cette carrière toute leur vie. Ils ont des objectifs et des ambitions. « Avec l’argent qu’on gagne ici, nous nous sommes convenus d’acheter un poste de télévision. Nous allons aussi mettre de l’argent de côté, pour les inscriptions et l’achat des fournitures scolaires, car mes cadets doivent encore aller à l’école», indique Andry, (nom d’emprunt) l’aîné de la fratrie, qui s’est résout à abandonner l’école et à faire des activités économiques pour aider sa famille. Hery, pour sa part, souhaite devenir un médecin. « Je veux sauver des vies », souhaite-t-il. Laissés à leur sort Ces fratries ne sont pas les seuls enfants à avoir travaillé durant la période de crise. Aucun chiffre n’est disponible pour affirmer l’augmentation du travail des enfants, durant le confinement, mais un œil sur les carrières, sur les marchés, sur les briqueteries, ne laisse aucun doute sur la multiplication des enfants qui travaillent. La vulnérabilité des ménages, aussi bien ceux des ruraux que ceux des urbains, s’accentuait durant la période de crise, suite aux nombreuses pertes d’emploi. Selon une enquête réalisée par l’Institut national des statistiques (Instat), 10,1% des ménages accusent une perte d’emploi, depuis le confinement. Le secteur agricole, la principale activité des ménages malgaches, est épargné par cette perte d’emploi, selon l’enquête sur l’impact de Covid-19, réalisée par l’INSTAT, au mois de juin. Toutefois, les paysans ont été bel et bien touchés par la crise. Des paysans et des commerçants de légumes et fruits, se plaignent d’avoir été obligés de vendre leurs produits à prix bradés car leurs clients n’avaient pas les moyens d’en acheter. Des situations qui ont obligé les enfants à aider leurs parents à subvenir aux besoins. Malheureusement, ces enfants sont laissés à leur sort. Aucune association, aucune autorité n’est intervenue pour lutter contre le travail des enfants, pendant et après le confinement. Ces enfants risqueront de quitter l’école de façon permanente, si aucune mesure n’est prise.
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