L’urbanisme des WC


Madagascar gagne contre le Burundi et reste maître de son destin. Mais, pourquoi ne m’enthousiasme-jé pas à entendre dehors, la clameur et les vuvuzélas entêtants ? Parce que j’associe immédiatement cette foule bruyante à quelque désordre en amont ou en aval. J’avais eu l’occasion d’assister aux gigantesques feux d’artifices tirés à Washington pour le 4 juillet, Independence Day. Une foule immense sur un Mall qui a été conçu en prévision de ce genre de manifestations. Une grande liberté de mouve­ments, mais jamais l’impression d’anarchie. Ce qui m’avait le plus impressionné, et c’était il y a une vingtaine d’années déjà, c’était la rangée des toilettes amovibles et, devant chaque box, une longue file d’usagers attendant leur tour. On est loin des images de l’avenue de l’indépendance, à Analakely, salopée par les fêtards du 26 juin. Une population aussi laxiste, indisciplinée et incroyablement sale, qu’une foule tananarivienne ne se rend pas compte de ce qu’il a fallu comme éducation et d’années d’appropriation par les générations successives d’une société dont le savoir-vivre se manifeste dans cette dignité devant les toilettes. Dès que j’ai entendu parler d’une kermesse de l’Armée organisée à Betongolo, ma première inquiétude concerna les toilettes. Il semble que cet aspect n’ait pas été négligé. Heureusement. Aucune manifestation publique ne devrait plus être autorisée sans la mise en place, en nombre suffisant et aux endroits stratégiques, de toilettes chimiques que peuvent fournir des entreprises locales. À part la bousculade mortelle à l’entrée du stade de Mahamasina, qui s’est interrogé quant à l’existence de toilettes pouvant satisfaire aux besoins de cette foule immense ? Trop souvent, c’est parce que les organisateurs n’organisent justement pas le poste «pipi-caca» que des rigoles suspectes inondent la chaussée, polluant l’atmosphère de la Ville d’une puanteur immonde. Les supporters de l’équipe malgache qui viennent de passer, célébrant trop tôt une qualification qui n’a encore rien de définitive, où s’étaient-ils donc rassemblés ? Dans quel état ont-ils laissé la place ? De ce rassemblement improvisé, qui a pensé aux toilettes ? Le «vendredi joli», c’est bien. Le «vendredi joli, avec des WC», c’est mieux. À Mahamasina, sur l’esplanade du Palais des Sports, le flot de bière semble couler directement de la bouteille de THB au pied de l’arbre en passant par le gosier et la vessie du client. Des toilettes existent, mais trop loin, excentrées. Un peu partout dans la Ville, des installations avaient été disséminées, mais mal dessinées, excroissances qui n’arrivent pas à se rendre invisibles, et souvent mal situées, agressant l’ensemble qui les aura précédés. L’urbanisme des vespasiennes : un sujet hautement sérieux parce que les humains ont des excrétas et qu’il leur faut les évacuer. Cinquante-neuf ans de République à apprendre à faire correctement ses besoins. Considérations a priori triviales, et pourtant hautement existentielles.
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