Un syndicat privé de porteurs soutenu par la reine


Pour limiter la grande liberté des esclaves en Imerina, dont le nombre ne cesse de croître, les officiers de la Cour, redoutant une révolte, constitue un réseau de portage royal, au XIXe siècle. Et bientôt un réseau privé se constitue également. Un système de contrat est établi entre les employeurs et les porteurs (lire précédente Note) Les plus gros clients en sont les missionnaires, car il y a un mouvement continu de personnel et de marchandises qui appartiennent aux Missions entre Antananarivo et Toamasina, mais aussi dans les régions les plus enclavées et les plus écartées de l’intérieur. Pour éviter les obstacles que soulève en général, le recrutement, la plupart des missionnaires gardent leurs porteurs de service. C’est surtout vrai pour la London Missionary Society, la Mission la mieux représentée à Madagascar. Ses problèmes de transport sont réglés la plupart du temps par Proter Bros, la plus importante firme britannique de l’ile, établie en 1862. Le transport d’espèces monétaires, qu’elle manipule en grande quantité, représente l’un des aspects importants des activités de la Mission. Quand des porteurs de la côte ne sont pas disponibles, les missionnaires de la capitale sont obligés de les recruter de l’intérieur et de les envoyer sur le littoral. Ce qui augmente considérablement leurs frais. À la veille des années 1870, un syndicat lancé par les plus puissants propriétaires d’esclaves d’Antananarivo, se charge de leur embauche. Il s’agit de grands personnages qui occupent les postes les plus importants à la Cour, et si leur syndicat n’est pas directement engagé dans le trafic illicite d’esclaves, ils y investissent et se tiennent au courant des opérations. « La richesse, le pouvoir et le prestige de ce groupe découlaient de ce trafic et du contrôle des esclaves » (Gwyn Campbell, « Problèmes de main-d’œuvre et de transport à Madagascar au XIXe siècle (1810-1895) », Omaly sy Anio, N°16). Rainimaharavo, secrétaire d’État du gouvernement merina, est considéré comme le chef de ce syndicat qui loue des porteurs aux sociétés missionnaires et à d’autres groupes. Le Premier ministre recourt à ce syndicat en 1885, pour trouver la main-d’œuvre nécessaire au transport, à partir de la côte Ouest, des fusils à utiliser contre les Français. C’est du moins ce qu’écrit Packenham à Lord Russel. Le gouvernement de la reine aide le syndicat. Toutes les conventions avec les puissances étrangères prévoient le droit de rappeler sans préavis, pour exécuter le Fanompoana (corvée), « la main-d’œuvre travaillant pour les étrangers ». Les plus importants propriétaires d’esclaves et les officiers de la Cour mettent à profit cette clause pour enlever à un colon sa main-d’œuvre, « ne lui laissant que la perspective de la ruine économique ou celle de louer tous les esclaves cédés par les officiers ou les propriétaires ». Une législation du même genre permet d’exercer un contrôle plus étroit. Elle interdit aux étrangers la possibilité de louer des esclaves malgaches, sans le consentement formel du propriétaire. Ainsi, il faut informer quelques jours à l’avance les porteurs de la capitale qui se louent à des endroits précis, si l’on a besoin d’eux pour de longs trajets, afin qu’ils puissent prévenir leurs maitres et obtenir leur autorisation. « Des cas de retrait de main-d’œuvre pour le Fanompoana se produisirent fréquemment, d’où une augmentation des tarifs de louage et un mécontentement parmi les étrangers. » Au début des années 1870, ce mécontentement empire car des « gangs » de porteurs, dont la plupart agissent sur l’ordre de leurs maitres, commencent à se saisir systématiquement des marchandises transportées sur la route de Toamasina. « Les marchandises volées étaient entreposées au loin jusqu’à ce que l’écho du vol se fût apaisé. » Avant 1888, selon Robinson, le danger que l’on court à transporter des dollars à partir de la côte, est devenu si grand que la LMS paie une indemnité afin que l’argent leur soit plutôt livré à Antananarivo que confié à leurs courriers à Toamasina. Il est à préciser que les porteurs, désignés sous le terme général de « maromita » ou « borizano » forment deux catégories : il y a, d’une part, les « mpaka » ou « mpitondra entana » qui sont engagés dans le portage des marchandises, et d’autre part, les « mpilanja » qui sont spécialisés dans le portage des voyageurs. « Les premiers voyageaient d’habitude en groupe. »
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