Quel avenir pour la viticulture malgache ?


Fortement concurrencé par les produits étrangers et marqué par diverses difficultés au niveau local, le vin malgache continue à résister, tout en attirant quelques nouveaux investisseurs qui voient l’avenir de la filière autrement, malgré le pessimisme de certains œnologues. Au cours des dernières décennies, la plupart des observateurs ont conclu à une stagnation de la viticulture et de la production de vin dans la Grande île, avec une superficie tournant autour de 3000 hectares, essentiellement sur les Hauts-plateaux, et plus particulièrement entre Antsirabe et Ambalavao. C’est dans les années 1970, à la suite notamment d’un appui de la Coopération suisse que la filière a connu un certain bond en avant, pour une plantation estimée à environ 400 hectares à l’époque. Actuellement, la production de vin local se stabilise. « C’est un secteur assez résilient malgré les embûches », reconnait un acteur de la filière. Depuis le début des années 2000, quelques investisseurs ont encore injecté quelques centaines de millions d’ariary dans la viticulture et la transformation du raisin, alors que certains analystes avaient déjà parlé de « filière mourante ». Si le pays compte encore une dizaine de producteurs de vin, c’est que la situation n’est pas totalement alarmante. Certains d’entre eux produisent autour de 10 000 bouteilles par an. Ce qui paraît insignifiant par rapport aux productions des pays voisins, pour ne citer que l’Afrique du Sud, mais les acteurs locaux restent confiants, tout en reconnaissant des difficultés exogènes. Certains planteurs ont préféré ainsi transformer leurs plantations depuis les années 1990 en d’autres cultures. La consommation locale n’ayant pas permis de rentabiliser les investissements. Déficit d’image Le vin local, il est vrai, souffre d’un certain déficit d’image auprès d’une catégorie de consommateurs qui s’oriente vers les produits d’exportation. Outre ceux d’Europe (France et Italie notamment), les vins sud africains et chiliens connaissent un succès franc chez les distributeurs, à travers quelques marques. Pas vraiment surprenant : l’Afrique du Sud est le huitième producteur mondial, avec un peu plus de 900 millions de litres par an. La viticulture s’est développée assez rapidement dans ce pays depuis le XVIIe siècle. La France qui compte aussi de nombreuses marques proposées chez des distributeurs de Madagascar, est le deuxième producteur mondial, derrière l’Italie, avec plus de 4 milliards de litres produits par an. Les chiffres sur la production mondiale et l’historique de la filière expliquent en partie la réalité du marché malgache. Certes, tout comme en Afrique du Sud, Etienne de Flacourt aurait déjà fait mention de présence de vignobles dans la partie Sud-est malgache au XVIIe siècle (probablement introduits par les Arabes, selon certains historiens), mais les exploitations les plus récentes et reconnues remontent au début de l’époque coloniale (fin du XIXe siècle). Les besoins des missionnaires en vin de messe et la présence de consommateurs européens ont permis de pérenniser la production locale. Miser sur la formation et la recherche Aujourd’hui, certains professionnels évoquent quelques points faibles pour expliquer le manque de compétitivité de la filière à Madagascar : la qualité des sols, souvent très acides, le manque d’ensoleillement, et la période de la vendange qui coïncide avec la saison des pluies. Dans le même registre, Stéphane Badet a aussi parlé de cépages « peu aromatiques et peu adaptés à une production de qualité, mais résistants aux maladies ». Dans le même temps, les producteurs locaux parlent de « taxation exorbitante », alors que certaines matières premières sont importées. Des acteurs de la filière restent malgré tout optimistes. Depuis plus d’une décennie, beaucoup d’entre eux misent sur la formation des viticulteurs et des techniciens. Sur les hautes terres, la filière emploie toujours environ huit cents à mille familles suivant la saison, sans parler des producteurs artisanaux et informels. Car, comme l’affirme un acteur de la filière « le vin est souvent considéré dans certaines régions comme une boisson alcoolisée classique, consommée pour s’enivrer, si les Européens le considèrent plutôt comme une boisson pour accompagner le repas ». Les producteurs locaux fondent également leur espoir sur le succès de nouveaux produits mis sur le marché grâce à la recherche. Pour eux, le vin et les apéritifs ne sont pas forcément synonymes de raisin. D’autres fruits ont été mis à contribution. Mais, si c’est le cas, ils tiennent à le spécifier sur les étiquettes des bouteilles.

Tatianah Andrianasaina - « L’administration a un double rôle à jouer »

Le contrôleur au sein de Clos Malaza, a répondu à nos questions concernant la situation actuelle du secteur vitivinicole dans le pays. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les viticulteurs actuellement ? Les principales difficultés sont surtout d'ordre climatique car la viticulture a besoin avant tout d'une période de dormance pour pouvoir, par la suite, donner son maximum en rendement. Cette dormance est favorisée par un froid assez rude comme dans les pays où il neige carrément pendant l'hiver. C'est aussi la raison pour laquelle les pays méditerranéens produisent une qualité supérieure de raisins et, par conséquent, de vins. Pour sa bonne maturité, le raisin a besoin d'un maximum d'ensoleillement et la récolte devrait se faire presque à la fin de l'été. Pour le cas de Madagascar, la durée d'ensoleillement journalier n'est pas suffisante et l'été est également trop court et on entre dans la période de pluie avant et pendant la vendange. Et quelles en sont les conséquences ? Notre raisin contient encore trop d'acidité qui se retrouvera dans le vin après vinification. Cette explication est d'une manière générale, mais ces deux ou trois dernières années, le grand problème rencontré est dû à la sécheresse alors que, pendant la véraison, pour pouvoir grandir le raisin a besoin d'eau. C'est-à-dire vers le mois d'octobre. Or, cette année, la pluie n'est tombée que vers le mois de décembre. Il y a un double problème de qualité et de rendement. À tout ceci s'ajoutent les aléas climatiques tels que la grêle qui peut détruire toute une récolte en quelques minutes. Autres problèmes: le manque d'arbres afin de faire des poteaux qui porteront les fils de fer pour soutenir les grappes de raisins qui y seront attachées. Les poteaux qui sont déjà dans le vignoble, sont volés. Le vol proprement dit de raisins, les oiseaux ou les chiens qui mangent les raisins, les criquets qui détruisent aussi la récolte sont autant de phénomènes qui rendent la production de raisin compliquée et aléatoire d'une année à l'autre. Votre point de vue face à la concurrence des vins importés. Je tiens tout d’abord à préciser que, hormis les raisins, tous les intrants et ingrédients pour la vinification sont importés et parfois ne sont pas disponibles au moment opportun. Les bouteilles sont recyclées et se collectent en vrac, rendant difficile une présentation uniforme sur le rayon de vente. Votre remarque est pertinente car, statistiquement, il y a beaucoup de vins importés en sachant que, d'une part, notre production locale n'est pas suffisante et, d'autre part, le grand souci est au niveau de leur prix de vente qui, pour certains types de vin, est bon marché et se rapproche du prix du vin local. Et nous devons faire face à cette concurrence. Le marché local suffit-il pour développer le secteur? À la suite de ma remarque précédente, je peux affirmer que le marché existe pour prévoir une augmentation de production de vins locaux, mais la question serait plutôt comment augmenter la production car il y a le problème de cépage et d'investissement, assez lourd pour une extension de culture de vignes. L'administration a-t-elle un rôle à jouer? On parle souvent de taxation excessive pour les boissons alcoolisées.... L'administration a un double rôle à jouer sur le plan de la politique ou en matière de stratégie de développement du secteur, telles que la facilitation à un crédit d'investissement, la possibilité de former les acteurs de la viticulture (les paysans inclus), la promotion des études supérieures en matières d'œnologie et l'allègement des taxes fiscales ou impôts afférents au secteur vitivinicole tout en augmentant les taxes sur les boissons alcoolisées pour ne pas faire souffrir la recette fiscale de l'État.  
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