Toujours le moment Sputnik


RDIF, le fonds souverain russe en matière sanitaire, indique une efficacité à 91,6% du vaccin Sputnik V, une fourchette de conservation dans un frigo ordinaire entre +2°C et +8°C et un prix de vente à moins de 10 USD par dose. Comme je l’écrivais dans «Un autre moment Sputnik» (Chronique VANF 04.02.2021), «si l’expertise scientifique russe n’est pas question­nable, la communication à la soviétique était un archaïsme contre-productif. Pour conjurer le reproche d’opacité, le «Gamaleya National Research Center for Epidemiology and Microbiology» (Moscou) a ouvert une page (sputnikvaccine.com) dans un effort de Glasnost. Le scepticisme de 2020 (Science, 11 novembre 2020) a fait place à plus de bienveillance après que le vaccin russe Sputnik 5, ou Gam-COVID-Vac, a été soumis à la validation de pairs indépendants (The Lancet, 2 février 2021)». Revendiquant son enregistrement dans 61 pays, Sputnik V n’est pas encore approuvé par l’agence européenne de médecine, ce qui n’a pas empêché la Hongrie d’en acheter (12 janvier) ni l’Allemagne d’engager des discussions bilatérales avec la Russie (8 avril). La Serbie, dont l’agence de médicaments avait approuvé le Sputnik V en décembre 2020, deviendra le premier pays européen, en dehors de la Russie et de la Biélorussie, à produire le Sputnik V à partir de mai 2021. Le 22 avril 2021, un autre accord, le premier pour la région Moyen-Orient Afrique du Nord, va permettre au laboratoire égyptien Minapharm de produire 40 millions de doses par an du Sputnik V. Mais, c’est avec l’Argentine que la Russie a signé l’accord le plus spectaculaire. L’Argentine, via ANMAT, a donné son agrément pour l’utilisation du Sputnik V le 29 décembre 2020 et avait commencé à vacciner sa population: avec 4,8 millions de doses de Sputnik V, jusqu’ici fabriquées en Inde et en Corée du Sud, c’est près de la moitié des vaccinations effectuées en Argentine qui le furent avec le vaccin russe. La société pharmaceutique Richmond SACIF va construire une usine capable de produire jusqu’à 500 millions de doses du Sputnik sur un an. Les installations actuelles permettant déjà d’en produire un million par mois et un échantillon de 21.176 doses a été envoyé au laboratoire russe Gamaleya pour un contrôle qualité avant la production en Argentine. Avec ce transfert de technologie, l’Argentine devient le premier pays sud-américain à produire le Sputnik V et pourra le distribuer aux dix pays d’Amérique latine qui ont également approuvé le vaccin russe. La sérénité tranquille de la diplomatie russe du vaccin contraste avec les soubresauts de l’AstraZeneca, autre candidat à large diffusion avec sa facilité de conservation. Les États-Unis, qui n’ont toujours pas autorisé le vaccin AstraZeneca sur le sol américain, en avaient cependant constitué un stock de 60 millions de doses qu’ils vont finalement débloquer à l’usage d’autres pays. Pendant ce temps, la Commission européenne a décidé de porter plainte contre AstraZeneca, s’estimant lésée avec la livraison de seulement 30 millions de doses, au premier trimestre 2021, contre les 120 millions convenues. De son côté, le Danemark avait définitivement banni AstraZeneca (14 avril 2021) et essaie d’échanger ses 200.000 doses (et 3,5 millions supplémentaires) contre du Pfizer-BioNTech ou du Moderna. La Norvège voisine avait également suspendu le recours à AstraZeneca, depuis le 11 mars 2021, en attendant un avis scientifique définitif le 10 mai: sur les 3,3 millions de doses commandées, le pays en a avancé 200.000 doses à la Suède et 16.000 à l’Islande. La «pharmacie du monde», surnom donné à l’Inde, avait démontré l’intérêt d’être une industrie des médicaments génériques en devenant presque naturellement le producteur sous-licence du vaccin suédo-britannique AstraZeneca-Oxford. Si une industrie pharmaceutique malgache, via Pharmalagasy par exemple, devait avoir du sens, ce serait dans cette voie: faire l’économie immédiate des millions de dollars indispensables à la Recherche & Développement, négocier le transfert de technologie qui permettrait la production locale d’un vaccin russe en quête de reconnaissance planétaire, et devenir un autre hub vaccinal, après les Balkans, l’Afrique du Nord, l’Amérique latine, de l’Océan Indien.
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