Scepticisme bienveillant


Dans le bois touffu des associations et ONG qui oeuvrent dans l’Environnement, on se perd facilement en même temps qu’on découvre la multiplicité des démarches de bonne volonté. C’est sans doute pourquoi est née la plate-forme «Alamino» (agora des paysages et des forêts), avec l’ambition de «mobiliser l’intelligence collective». Mais, lassé de décennies d’impunité, et d’inefficacité, alors que les crimes environnementaux sont mieux monitorisés (la surveillance des feux par satellite est déjà mise en place à Madagascar avec l’outil FIRMS NASA Fire Information for Resource Management System), on peut légitimement commencer par vouloir asseoir le volet répressif : décréter des «fady» sur les forêts et faune endémique, consacrer «zone rouge» les aires protégées, pénaliser les crimes environnementaux (Mamalan-kira du 26 janvier 2023). Cependant, «Alamino» persévère dans la posture de «dialogue et de sensibilisation pour mieux comprendre la dynamique des feux». Et recommande d’éviter les messages stigmatisants. C’est dans cette logique qu’on peut lire que «les communautés rurales sont à la fois acteurs, bénéficiaires et victimes des feux» et que «les gens qui brûlent le font par besoin». Acteurs par besoin et victimes par ignorance ? Mais, comment peut-on encore être ignorant au bout d’au moins soixante ans de sensibilisation étalée sur deux ou trois générations... «Le reboisement doit s’accorder avec les besoins des populations». Des populations humaines s’entend. Quand un reboisement le serait-il pour s’accorder également avec les besoins d’une faune endémique en voie d’extinction que les populations humaines menacent justement ? Que les essences soient «choisies en fonction des besoins formulés par les populations riveraines», suppose donc une finalité toujours humaine. N’est-ce pas un peu contradictoire surtout quand on cite la possibilité de «bois de chauffe» dans un document élaboré en 2021, contemporain de tant de COP... Toujours parmi les besoins des populations humaines, les «feux de pâturage précoces» : «La réalisation de feux de brousse / de pâturage précoces en amont de la saison sèche permet de réduire les risques de feux de forêt incontrôlés et permet de ménager des zones de pare-feux pour la saison sèche. Cette pratique a déjà montré de bons résultats là où elle a été appliquée. Le défi est que ces feux précoces sont normalement considérés comme illégaux. Des aménagements devraient être envisagés pour légaliser cette pratique et l’encourager lorsque c’est pertinent»: comment communiquer autour d’un tel noeud de paradoxes? Et on reste toujours aussi dubitatif quand la création d’une «brigade verte ou corps de pompiers ruraux spécialisés, montée en collaboration avec l’armée et la gendarmerie» est assortie d’une «formation aux différents types de feux, permettant de distinguer les feux légaux et illégaux». Il y a 36 ans, le décret 87-143 du 20 avril 1987 mettait en place des «Comités permanents de défense contre les feux sauvages au sein de chaque collectivité rurale». Trente-six ans de mal en pis. Et le distinguo entre «feux sauvages» et «feux civilisés» introduit une nuance qui brouille les frontières morales. En décembre 2020, l’association Op500, saluant la réussite des plantations d’arbres dans l’Ankadinondry-Sakay, avec photos des arbustes à hauteur d’homme, a eu ce commentaire apparemment anodin : «Avec bienveillance, on y arrive». Je suis désespérément en quête de bienveillance.
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