C’était Antananarivo


Des travaux d’embellissement avaient été entrepris à Anosy, devant le Cercle Franco-Malgache et la rue qui mène à la Maternité de Befelatanana. Moins d’une semaine plus tard, les plots qui avaient été fichés en terre sont déjà arrachés : ce vandalisme-là (pas isolé si on considère les dégâts déjà occasionnés à la rue fraîchement refaite devant l’ambassade de Russie, à Ivandry) n’est pas gratuit parce que, très opportunément, il va permettre aux innombrables minibus de grimper et squatter à nouveau les trottoirs ; accessoirement, ces plots risquaient également de gêner aux entournures les stands des marchands du jeudi. Partout dans Antananarivo, il devient problématique de simplement se garer : toutes les places sont squattées par les voitures d’occasion. A-t-on idée qu’Antanimbarinandriana, qui aurait pu abriter un parc d’attraction, devenir un jardin d’agrément, servir de site à quelque discipline olympique, bref être à l’usage des écoliers et collégiens qui travaillent à proximité, est maintenant totalement occupé, jour et nuit, par des centaines de voitures d’occasion à vendre ? Analakely, Andranobevava, Mahamasina, etc. : autant de pas-de-porte au prix dérisoire d’un ticket de parking. Et la Ville d’Antananarivo n’arrive pas à trouver des recettes pour s’occuper des ordures qui partout s’amoncellent. Mais aussi ces places de parking que boudent encore les taxis tandis qu’ils défendent farouchement leur «emplacement réservé» : Ambohijatovo, Ambatonakanga, Antaninarenina, etc. Impossible de se garer, tout aussi compliqué de circuler. Antananarivo, la Ville des mille embouteillages : le faible maillage routier des années 1950 sature rapidement avec le flux des voitures et deux-roues des années 2000. Bientôt, la meilleure manière de conduire une voiture dans Tana sera encore de marcher à pied. Pour cause de travaux interminables sur le pont d’Ampahibe, on peut mettre trente minutes entre l’hôpital Soavinandriana (anciennement, depuis 1957-1963, «Girard et Robic», du nom des médecins français Georges Girard et Jean Robic qui mirent au point, à Madagascar, un vaccin contre la peste) et le garage David à Behoririka. Tandis que, de l’autre côté, les ralentissements du Fort-Duchesne (du nom du général français Jacques Duchesne, commandant le corps expéditionnaire de 1895) commencent dès le carrefour qui mène à l’hôtel Panorama. Alors, le temps d’arriver au niveau de chez «Longin» (le débit de vins-bières-whiskies qui fait le bonheur des cocktails improvisés dans les ministères), qu’on appelle encore parfois «ex-CMD» (le comité militaire pour le développement de la Deuxième République). Antananarivo : ses ruelles autrefois pittoresques aujourd’hui empestant la pisse humaine et minées de déjections canines. Antananarivo : ses ordures détritus et ses ordures vandales. Antananarivo : ses squats de voitures à vendre. Antananarivo : ses marchands non seulement de rue, mais en pleine rue. Antananarivo : sa circulation au pas, ses parkings pirates. Une «capitale montagnarde en pays tropical», qu’avaient pu décrire avec amour Jean-Joseph Rabearivelo et Eugène Baudin : «Tananarive, ses quartiers et ses rues». C’était en 1937. Post-Scriptum : Les plaques avec nom de rue sont purement symboliques à Antananarivo, puisque tout le monde se repère par rapport à un hôpital qui fait partie depuis toujours du paysage, un garage que tout le monde connaît, un immeuble remarquable qui ponctue l’horizon. «Rue Gallieni haute», «Place Malzac», «Escalier Lambert». Mais, aussi «AmpasandRainiharo», «AmpasandRatsarahoby», «AmpasanImalo» : bien peu des taxis de ces années 2000 sauraient vous y conduire. Le Code de la route y est tout aussi coutumier faute de marquages au sol, de panneaux de signalisation.
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