Madagascar intemporel


Ici, c’est comme si le temps jouait à yoyo. Madagascar est déjà bien connu comme étant le pays du « moramora » où tout se fait si lentement au point où il aurait été plus logique de mettre un caméléon sur l’armoirie nationale. Des fois, on dirait que le temps s’est arrêté à il y a des siècles. Mais d’autres fois, on dirait qu’il nous a dépassés. Madagascar, le pays où on a toujours le temps et où l’on est très fort en procrastination à tel point qu’on a remis le développement pour demain. Intemporalité immortalisée magnifiquement par les photos de Pierrot Men. Il existe des mondes à part où la nature ressemble à l’Eden : vierge, inqualifiablement beau, riche, sauvage comme si le temps lui-même a oublié de passer par là. Pourtant, non loin de là, des industriels dont la seule préoccupation est de faire le plus de fric en moins de temps possible. « Le temps c’est de l’argent » disent-ils et même s’il faut tout détruire au passage, ce n’est pas grave pour eux. Et de toute façon, le silence comme la justice seraient achetables. Le temps a aussi perdu sa logique chrono­logique sur le Malgache. Le reste du monde a du mal, à part prononcer nos noms kilométriques, à deviner l’âge d’un Malgache. Lors de son investiture, mis à part les félicitations d’usage, notre Président a fait également soulever des remarques et questionnements hilarantes même venant de hautes personnalités politiques de l’étranger. Il y a ceux qui se sont demandés comment un adolescent est devenu Président. D’autres disaient que les gens ont trouvé l’élixir de jouvence à Madagascar. Enfin, certains se sont dits qu’il est très délicat de draguer les femmes malgaches car il est difficile de deviner leurs âges. Dans ce pays, d’innombrables enfants de quatre ans travaillent comme des adultes de cinquante ans. Des bambins de dix-douze ans ont tristement presque le même nombre d’années d’expérience professionnelle. Des enfants qui ont travaillé depuis le ventre de leurs mères qui ont été mère à l’âge où elles devraient encore être des filles et non des femmes. Tout cela se passe en même temps que de grands adultes de cinquante ans réclament des joujoux de voitures comme s’ils étaient des gamins de trois ans. Ca boude, ça crie, ça réclame car d’autres grands enfants éhontés ont reçu de pareils bolides avant eux. Alors eux aussi, ils veulent en avoir de plus grands, de plus beaux, de plus couteux. Si non... si non, ils peuvent retourner leurs couches...oups, leurs vestes de grandes personnes ! Madagascar intemporel, où l’on aime bien signer les traités, les chartes, les textes à l’international pour être dans les temps, être à jour, être impeccable dans la forme. Mais au fond, ce n’est finalement que pour attirer les fonds. Un coin du monde qui a signé le protocole de Maputo sans vouloir le ratifier. Un exemple parmi tant d’autres. Intemporel...le mot est faible car en 2019, les femmes malgaches vivent encore sous l’épée d’un Code pénal calqué sur le Code Napoléon de 1810. 209 années de retard sur le libre arbitre, la liberté de penser, le libre choix. Le temps a pris son temps et aurait visiblement oublié de maturer  une pensée collective par rapport aux droits de la femme. Un beau pays où l’on peut voir dans une même rue que le temps n’est pas le même pour tout le monde quoique tous soient sous le même ciel et sur le même fuseau horaire. Il y a ceux qui n’ont pas le temps de vivre car doivent survivre au jour le jour. Il y a ceux qui ont encore le temps de ne voir que leur propre intérêt alors que la masse meurt à petit feu. Ces gens qui jouent avec le temps car ils savent pertinemment que cette masse est atteinte d’une amnésie sévère et collective. Elle oublie facilement avec le temps.
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