Accueil » Opinions » Quand la musique est bonne
Laconisme Opinions

Quand la musique est bonne

L ’air de ces dernières semaines, imprégné du parfum de la fête, est, comme chaque année, envahi par les bruits et les différents sons qui sont les manifesta­tions des battements du cœur de la commémoration du retour de l’indépen­dance. C’est ainsi que, pour le meilleur et pour le pire, nos tympans sont plus sollicités que d’ordinaire par les explosifs, les feux d’artifice, la multiplication des vendeurs à la sauvette qui gagnent ainsi en décibels, la musique, …

La musique, dont la fête chez nous s’incruste dans cette atmosphère qui atteint l’un de ses pics annuels de pollution sonore, fait partie intégrante du sang qui alimente la vigueur de ces festivités qui peuvent être Dr Jekyll qui ne peut se débarrasser de son côté Mr Hyde. Car tout ce bruit peut faire notre malheur.

Dans La Nuit des rois (W. Shakespeare), le duc d’Orsino, alors qu’il se morfondait à cause de son amour non satisfait pour la belle comtesse Olivia, croit en la capacité curative de la musique quand il demande aux musiciens de jouer : « Si la musique est la pâture de l’amour, jouez encore, donnez-m’en jusqu’à l’excès en sorte que ma faim gavée languisse et meure. » L’être humain a, depuis des temps immé­moriaux, eu l’intuition de cette vertu de la musique. Pour Pythagore et ses disciples, le cosmos est régi par la « musique des sphères ».

Selon un dicton africain, le chant d’un griot peut stopper la course du soleil. La « marâtre nature » de ronsard peut être adoucie par la musique comme les bêtes féroces et les créatures infer­nales qui ont été envoutées par la lyre d’Orphée. Mais la musique n’est pas seulement celle d’Orphée, elle peut aussi sortir de la trompette du Schtroumpf musicien qui joue faux ou de la voix d’assurance tourix qui chante faux.

Et dans l’ambiance festive de ces deux dernières semaines, le bon grain s’est mélangé à l’ivraie, la bonne musique a été intoxiquée par un déluge de bruits et de sons, dont les propriétés sont vectrices de discordance qui plonge les oreilles dans un climat empoisonné par les émanations nocives de ces agressions sonores. Prolifèrent surtout, des successions de notes simples qui ont l’effet sédatif du chant des Sirènes mais qui, aidés par le pouvoir du matraquage, parasitent les cerveaux.

Selon Théodore adorno, la musique de masse contribue à « rendre impossible tout arrachement à l’infantilisation générale des mentalités ». Car pendant qu’on célèbre le retour de notre indépen­dance dans « le bruit et la fureur », la mémoire collective est réduite au silence et le peuple se complait dans son amnésie qui étouffe son identité et fait toujours zigzaguer son âme égarée, écrasée par la cacophonie.

Commenter

Ce formulaire recueille votre nom et adresse e-mail afin que nous puissions valider votre commentaire. Veuillez consulter notre politique de confidentalité afin de prendre connaissance sur la façon dont nous protégeons vos informations.
Je consens à ce que L'Express de Madagascar collecte mon nom et email..

Cliquez pour commenter