Lettre à ma terre


Il y a des sentiments qui sont tellement indescriptibles qu’aucun mot humain ne peut les dire. Comme ces spectacles de mère nature quand on fait face à ces immenses canyons qui réveillent en notre cœur la sensation d’un vide infini et qui, contra­dictoirement, nous donnent une impression de plénitude. Il y a aussi ces amours qui génèrent en nous des engagements presque irrationnels. Aimer éperdument, viscéra­lement sa patrie. Oui c’est possible. Beaucoup diront « mais qui n’aime pas sa Nation ? ». La réponse est simple : pas tous, pas toujours de la même façon et intensité. C’est à la fois bien dommage, mais aussi naturel. Il y a ceux qui se sentent Malgache le jour de l’indépendance, d’autres plus d’une fois dans l’année. Mais il y a aussi ceux qui sentent leur gorge serrées à chaque fois qu’ils voient du hublot la terre malgache en vue. Certains qui ne peuvent s’empêcher de pleurer en voyant les feux de brousse dévorer leur terre bien-aimée. D’autres sont en colère quand ils voient cette génération de jeunes gens dévastés par la gangrène de l’ignorance. Ma terre est la mère qui a porté ma mère, la mère de ma mère et toutes les générations anciennes et futures de femmes et d’hommes qui font de nous une Nation. C’est elle qui m’a vue naitre, où le placenta qui m’a enveloppé est enterré. Elle portera mes os, ma chair en décomposition pour l’éternité. Elle a vu ma naissance, mes premiers souffles et mes premiers cris. Elle a été la scène de la naissance de mes enfants. Et elle verra les enfants de mes enfants. « Nosy Taninindrazako, izay navelan’ny razako afoiko ho anao ny ràko ry Madagasikarako. Ny ranomasina no valamparihy mamehy ny foko rehetra hifankatia tsy hampisaraka ny Malagasy miaraka ». « Mon île patrie, héritage de mes ancêtres Je verserais mon sang pour toi, mon Mada­gascar La mer est la limite Qui rassemble les peuples à s’aimer Contre toutes les divisions, les Malgache ensemble » Qu’elle était belle la voix du tenor Ludger Andrianjaka qui propulse cette chanson au rang de prière céleste. Ma terre, tu es le plus beau des tatouages qui m’a été fait. Pour les vies à venir, si Dieu venait à me donner le choix de ma natio­nalité, je choisirais sans hésitation de revenir vers ma terre et d’être une fois encore Malgache. Terre de mes ancêtres, de mes enfants. Eldorado de mes rêves, de mes combats, de mes tristesses et de mes victoires. Terre divine aux mille sourires, aux mille mystères : mon Madagascar. Que de fierté, d’enthousiasme, de bonheur de voir le visage des gens quand je dis que je viens de cette île, petite sœur de l’Afrique, grande sœur des îles de l’Océan indien. De cette terre de tous les espoirs. Une fois de plus : « très bonne fête de l’indé­pendance à nous ! »
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