Nous sommes comme prisonniers dans les affres de la routine quotidienne, captifs d’un système réducteur qui nous a condamnés à purger une peine dans l’enfer d’une existence prosaïque régie par la banalité qui rime avec la médiocrité contemporaine. Mais la porte de notre conscience peut souvent être franchie par le désir d’évasion, de mettre dans nos vies des instants extatiques d’aventures au-delà des frontières de ce morne territoire de l’ordinaire. La poésie, dont les chantres ont été plus audibles durant ce mois de mars qui est consacré à leur art et qui a donc amplifié leurs voix, a toujours été comme une autre dimension, une destination merveilleuse où le sublime offre un contraste avec le grotesque dominant de nos journées. Elle est le doux parfum qui peut nous procurer la belle ivresse libératrice. Dans la mythologie grecque, Orphée est la digne figure représentative de la poésie. Pour les esprits ayant un minimum de culture générale, il est celui qui a su, par la magie méconnue du chant, envoûter les divinités infernales qui, sous le charme de sa poésie, consentirent à laisser partir Eurydice, la femme du poète qui était pourtant déjà une habitante du royaume des morts. La suite sera cependant moins joyeuse. Mais la force de la poésie était plus imposante que les chaînes de l’enfer, elle a une puissance libératrice qui peut affranchir les âmes de l’emprise de l’amertume du sombre monde que les ambitions humaines ont désenchanté et dont l’éclat a été reconquis par la poésie qui élève notre âme vers cette beauté perdue. Le poète est le prophète habité par le génie qui lui donne accès aux images qui, selon Gaston Bachelard, « nous mettent à l’origine de l’être parlant ». Les mots, émancipés des besoins utilitaristes, commerciaux, pragmatiques humains qui les ont pervertis, redeviennent des émanations de cette grâce qui est étranglée par le conformisme qui a réduit la poésie au silence en la marginalisant. Le poète est alors celui qui peut nous ramener à cet « état poétique », à même de briser le joug oppressant qui nous enserre dans la nuit de l’insipide milieu des caprices humains, trop humains. Le poète est, selon Rimbaud, le « voyant » qui nous fait redécouvrir les merveilles endormis et cachés de la nature qui est, selon Baudelaire, « un temple où de vivants piliers/ Laissent parfois sortir de confuses paroles. » Car les mots, par la vertu inestimable de la poésie, s’affranchissent de leurs fonctions triviales qui les enferment dans la vulgarité, et regagnent leur nature sublime quand, entre autres, la musicalité prime sur le sens dans les fameux vers de Verlaine « Les sanglots longs/ Des violons/ De l’automne/Blessent mon cœur/D’une langueur monotone ». On est alors emporté dans une extase, ce même épanouissement spirituel que peut insuffler les mots de Gérard de Nerval : « Je suis le ténébreux, - le veuf, - l’inconsolé » ou ceux de Victor Hugo : « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne » et qui permet à Apollinaire, en écrivant « Sous le Pont Mirabeau coule la Seine/Et nos amours/ Faut-il qu’il m’en souvienne », de magnifier la fuite du temps.
Nous sommes comme prisonniers dans les affres de la routine quotidienne, captifs d’un système réducteur qui nous a condamnés à purger une peine dans l’enfer d’une existence prosaïque régie par la banalité qui rime avec la médiocrité contemporaine. Mais la porte de notre conscience peut souvent être franchie par le désir d’évasion, de mettre dans nos vies des instants extatiques d’aventures au-delà des frontières de ce morne territoire de l’ordinaire. La poésie, dont les chantres ont été plus audibles durant ce mois de mars qui est consacré à leur art et qui a donc amplifié leurs voix, a toujours été comme une autre dimension, une destination merveilleuse où le sublime offre un contraste avec le grotesque dominant de nos journées. Elle est le doux parfum qui peut nous procurer la belle ivresse libératrice. Dans la mythologie grecque, Orphée est la digne figure représentative de la poésie. Pour les esprits ayant un minimum de culture générale, il est celui qui a su, par la magie méconnue du chant, envoûter les divinités infernales qui, sous le charme de sa poésie, consentirent à laisser partir Eurydice, la femme du poète qui était pourtant déjà une habitante du royaume des morts. La suite sera cependant moins joyeuse. Mais la force de la poésie était plus imposante que les chaînes de l’enfer, elle a une puissance libératrice qui peut affranchir les âmes de l’emprise de l’amertume du sombre monde que les ambitions humaines ont désenchanté et dont l’éclat a été reconquis par la poésie qui élève notre âme vers cette beauté perdue. Le poète est le prophète habité par le génie qui lui donne accès aux images qui, selon Gaston Bachelard, « nous mettent à l’origine de l’être parlant ». Les mots, émancipés des besoins utilitaristes, commerciaux, pragmatiques humains qui les ont pervertis, redeviennent des émanations de cette grâce qui est étranglée par le conformisme qui a réduit la poésie au silence en la marginalisant. Le poète est alors celui qui peut nous ramener à cet « état poétique », à même de briser le joug oppressant qui nous enserre dans la nuit de l’insipide milieu des caprices humains, trop humains. Le poète est, selon Rimbaud, le « voyant » qui nous fait redécouvrir les merveilles endormis et cachés de la nature qui est, selon Baudelaire, « un temple où de vivants piliers/ Laissent parfois sortir de confuses paroles. » Car les mots, par la vertu inestimable de la poésie, s’affranchissent de leurs fonctions triviales qui les enferment dans la vulgarité, et regagnent leur nature sublime quand, entre autres, la musicalité prime sur le sens dans les fameux vers de Verlaine « Les sanglots longs/ Des violons/ De l’automne/Blessent mon cœur/D’une langueur monotone ». On est alors emporté dans une extase, ce même épanouissement spirituel que peut insuffler les mots de Gérard de Nerval : « Je suis le ténébreux, - le veuf, - l’inconsolé » ou ceux de Victor Hugo : « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne » et qui permet à Apollinaire, en écrivant « Sous le Pont Mirabeau coule la Seine/Et nos amours/ Faut-il qu’il m’en souvienne », de magnifier la fuite du temps.