À l’origine, un nationalisme affiché et affirmé


Le 28 février 1897, les Malgaches perdent leur liberté et la souveraineté nationale. Avec l’unification de la Grande ile par la suppression des grands et petits royaumes et dans le contexte douloureux de la colonisation, commence une prise de conscience de la sujétion. Ranavalona III doit signer, le 17 janvier 1896, une déclaration par laquelle elle reconnait la « prise de possession de Mada­gascar» par la France. Celle-ci, dans ses Instructions à son résident général, Hippolyte Laroche, exige qu’il contrôle ses moindres démarches et contresigne toutes les décisions de son gouvernement. Bientôt, les Malgaches prennent conscience que la reine est prisonnière des Français et très vite, des foyers de révolte apparaissent avec les Menalamba. C’est dans l’Ankaratra, bastion traditionnelle des mécontents, qu’éclate l’insurrection le jour du Fandroana, Fête du Bain de la reine, également fête nationale. Puis elle s’étend progressivement à plusieurs régions et fin 1896, les Menalamba contrôlent l’Imerina, l’Alaotra, le Mangoro, gagnent de nombreux partisans dans le Vakinankaratra et ainsi, encerclent la capitale. Face à l’attitude timorée du résident général et sur la réclamation des colons, la loi d’annexion est votée par la Chambre des députés française et promulguée, le 6 août 1896. La première résistance malgache rencontre un échec marqué surtout par l’abolition de la monarchie merina, le 28 février 1897, et l’envoi de la reine en exil à La Réunion, puis en Algérie. Le premier gouverneur général, Joseph Gallieni, use de brutalités pour maitriser les insurgés. Ce qui favorise la naissance du nationalisme malgache. La résistance tombe en léthargie, mais se poursuit. Le mouvement du Vy-Vato-Sakelika (Fer-Pierre-Ramifications) regroupe de jeunes Malgaches épris du progrès. Pour eux, c’est un moyen d’affranchir le pays et les hommes, sans recourir à la violence, d’autant qu’ils sont peu nombreux et désarmés. Puis le Mouve­ment de Jean Ralaimongo lui succède. Ce dernier, comme les anciens soldats mobilisés et engagés à la première Guerre mondiale, découvre la « véritable France ». Il use de ses différents journaux pour réclamer l’accession des indigènes de Madagascar aux droits des citoyens français. Avec les Dr Joseph Raseta et Joseph Ravoa­hangy Andria­navalona ainsi que leurs amis, il organise une manifestation devant la Résidence de France à Ambohitsorohitra. Arrêtés, ils sont placés en résidence surveillée. L’arrivée du Front populaire au pouvoir en France les libère après 1936, et accorde aux Malgaches la liberté syndicale et la liberté de la presse. Le retour des cendres de Ranavalona III au pays en 1938, l’élection du pasteur Ravelojaona au Conseil supérieur des Colonies, permettent aux Malgaches d’affirmer leur patriotisme et leur foi en leur destin. La deuxième Guerre mondiale interrompt en 1939, l’évolution du nationalisme malgache. Une douloureuse période débute pour le peuple. « L’effort de guerre » en hommes et en marchandises diverses que Madagascar doit supporter, entraine des pénuries et un marché noir, dont le poids repose surtout sur les paysans. Il apparait un « Office du Riz », organisme administratif chargé de la collecte du riz qui procède par réquisition et permet de nombreuses malversations. De leur côté, les colons augmentent leur pression sur les travailleurs malgaches à très bon marché avec l’aide de l’Adminis­tration. Enfin, diverses formes de corvées théoriquement abolies sont rétablies au risque d’empêcher les paysans de cultiver leurs propres terres. Dès 1945, après la victoire, les patriotes malgaches reprennent leur propre combat. En vain, pendant deux années, les députés Ravoahangy, Raseta et Rabe­mananjara attestent solennellement devant les constituants français, la volonté du peuple désireux de devenir un État libre au sein de l’Union française. À la même période, naissent les « sociétés secrètes », organisations clandestines comme le Parti national socialiste malgache, Panama, et le Jina dont la signification reste obscure, qui agitent des projets de complots. En 1945, à la faveur des nouvelles dispositions sur la France d’Outre-mer prises à la libération, nait aussi un parti politique national légal, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) fondés, entre autres, par les députés malgaches. Il milite pour l’indépendance de Madagascar et espère l’obtenir par la voie parlementaire. Parallèlement, les Tirailleurs, de retour au pays en 1946, croient qu’ils ont acquis des droits à la reconnaissance de la France. Mais les discours patriotiques sur « l’Outre-mer sauveur de la Mère-patrie » sont vite oubliés. Démobilisés, ils sont renvoyés dans leurs villages où leur réinsertion est difficile. Ces « anciens combattants » sont facilement touchés par la propagande des sociétés secrètes et par celle du MDRM.
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