Le 23 octobre 1817 a 205 ans


Dans son livre, «Neuf ans à Madagascar» (Hachette, 1908, pp.27-28), le général Gallieni est sévère concernant les dernières années de ce qu’il nomme dédaigneusement «la cour d’Emyrne». Son inventaire à la Prévert sonne comme un réquisitoire : les incapables successeurs d'Andrianampoinimerina et de Radama I (...) Une tyrannie sans contrôle et sans frein se substitua à l'autorité forte, mais raisonnable des premiers rois (...) un pseudo-gouvernement, sans foi ni lois, où tout était livré au désordre, aux exactions, à l'anarchie (...) l’impôt, une main-mise arbitraire sur les biens des particuliers (...) les travaux publics, des corvées au seul profit des nobles et des riches (...) aucune route dans un intérêt général (...) une façade dépourvue de toute organisation intérieure sérieuse (...). La seule réussite que Gallieni reconnaît à la «cour d’Emyrne», pour aussitôt regretter que l’Occident en ait pu être dupe, c’est «une diplomatie astucieuse» : «Cependant, ainsi qu'il arrive souvent chez les Orientaux, une diplomatie astucieuse et sans scrupule avait réussi aux yeux des étrangers à masquer les misères de la situation intérieure. Les nations civilisées conservaient ainsi l'illusion que Madagascar possédait un gouvernement digne de ce nom, et ce mot sonore : « la cour d'Emyrne » éveillait en Europe et ailleurs l'idée d'une puissance lointaine, solidement assise et organisée. Les correspondances de Napoléon III vers 1860 témoignent que le Gouvernement français traitait avec les souverains de Tananarive dans les mêmes formes qu'avec les autres chefs d'État. A la même époque, l'impératrice Eugénie écrit personnellement à Rasoherina et l'entretient «de la haute mission que Dieu a confiée aux rois et de l'oeuvre grandiose qu'elle peut et doit accomplir à l'aide du pouvoir immense qu'elle détient ». Vingt-cinq ans plus tard, pendant la période de tension qui précéda la guerre de 1883-1885, une ambassade du Gouvernement hova, conduite par Ravoninahitriniarivo, ministre des Affaires étrangères, fut reçue solennellement par les chefs d'État des plus grandes puissances, en France, en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, et passa avec eux des traités en règle». Quoi qu’il en soit, c’est en vertu de cette «diplomatie astucieuse», ces «mêmes formes qu’avec les autres chefs d’État», ces «traités en règle», que le général de Gaulle prononça sa phrase du 22 août 1958. Depuis Mahamasina, et avisant le palais de Manjakamiadana, l’homme d’une «certaine idée» de la France avait proclamé : «Demain, vous serez de nouveau un État, comme vous l’étiez, quand ce palais de vos rois, là-haut, était habité par eux». C’est grâce à cette vieille «diplomatie astucieuse» que «la cour d’Emyrne» avait su arracher à la cette même France, l’article 12 du traité du 17 décembre 1885 reconnaissant sa souveraineté sur Madagascar : «COMME PAR LE PASSÉ» C’est encore grâce à cette vieille «diplomatie astucieuse» que la Princesse royale d’Angleterre est venue à Madagascar commémorer le bicentenaire du traité du 23 octobre 1817 entre Radama et Farquhar, le Gouverneur britannique de l’île Maurice. Que le centenaire du traité américano-malgache du 12 mars 1883 avait été marqué par la publication d’un livret édité par les soins de l’Agence d’information des États-Unis. Et qu’à l’occasion des 135 ans du traité germano-malgache du 15 mai 1883, l’ambassadeur d’Allemagne souligna que ce traité avec Madagascar avait été le premier conclu par l’Allemagne en Afrique. Fiction diplomatique, demi-vérité historique ou réelle succession d’États : «diplomatie astucieuse».
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