Opinion défavorable à géométrie invariable


L’Assemblée nationale est impopulaire depuis 1993 et la naissance de son pas caméléon «à géométrie variable». Une impopularité telle que chaque prise de parole, surtout quand il s’agit de revendications alimentaires, devient scandale. La question des 4x4 est frappée d’un péché originel qui lui enlève d’emblée toute légitimité. Il s’agissait, en 1993, pour l’alors Premier Ministre Francisque Ravony de se constituer une majorité parlementaire à partir de rien. Il suffira de la promesse de véhicules tous-terrains pour réunir un bloc d’opportunistes sans cohérence idéologique. Quant à la retraite, sa création en France, par les ordonnances d’octobre 1945, reposait sur un souci de solidarité. Un mot, et son concept, qui manquent singulièrement au comportement et à l’attitude de l’Assemblée nationale malgache. La retraite se veut une couverture face au risque vieillesse et la réforme-phare du septennat de François Mitterrand entendit consacrer «un droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l’issue d’une durée de carrière normale» (ordonnance du 26 mars 1982). «La curée fait l’union» (Chronique VANF, 22 juillet 2005, Travers des travées parlementaires): où sont-ils les députés qui ne veulent pas alimenter ce feuilleton des tickets ou cartes carburant, crédits téléphone, per diem? Ces considérations vulgaires portées trop souvent sur la place publique ne peuvent que nuire définitivement à la réputation d’une institution déjà largement discréditée. J’ai retrouvé deux Chroniques à exactement quatorze ans de distance, 2005 et 2019, jour pour jour, 22 juillet : une opinion défavorable à géométrie invariable. CHRONIQUE DE VANF (22.07.2019) Ni mandat, ni 4x4 impératif «La fièvre du 4x4 s’est emparée des députés malgaches» (francetvinfo.fr, 24 février 2015) «Le Premier ministre face à l’étrange chantage des députés» (RFI, 12 février 2015) «Les députés réclament chacun un 4x4 à 45.000 euros» (zinfos974.com, 24 novembre 2016): ces titres reviennent à chaque début de législature et deviennent de véritables marronniers de la politique malgache chaque fois que la loi de finances arrive à l’agenda. Travées vides à l’Assemblée nationale, loi aussi fondamentale que l’abolition de la peine de mort adoptée les yeux fermés, scandales divers et variés... En ce qui concerne le «Pouvoir Législatif», il y a véritablement un avant et un après 1993. La philosophie de la Troisième République avait été de déshabiller le Président de la République pour habiller les députés de l’Assemblée nationale: dès la première lecture du projet de Constitution, les analystes avaient su deviner le hiatus d’un Président élu au suffrage universel direct mais fort dépourvu face à un Premier ministre désigné par l’Assemblée nationale. Par contre, personne n’avait été suffisamment pessimiste pour anticiper le clientélisme induit par une assemblée à géométrie variable: la promesse, malheureusement tenue, de 4x4 aux députés vient de ce malentendu qui s’avère donc le péché originel de ce Pouvoir Législatif post 1993. Dans d’autres pays, les parlementaires se distinguent par l’adoption de grandes lois d’avancée sociale: sur l’universalité de l’éducation, sur l’égalité des genres, sur les libertés individuelles. À Madagascar, la mémoire retiendra pour le moment la base légale par laquelle tout ce scandale provient: la Loi n°94-002 du 28 juin 1994, fixant les indemnités et avantages en nature du Président de l’Assemblée nationale, des membres du Bureau permanent et des Députés de Madagascar; le Décret 94-409 du 28 juin 1994, fixant les avantages en nature du Président de l’Assemblée nationale, des membres du Bureau permanent et des Députés de Madagascar; l’Arrêté n°2207/95 du 10 mai 1995 portant modalités de remboursement du prix des véhicules 4x4 attribués aux députés de Madagascar. Dans notre prévention à l’encontre de cette Assemblée nationale formule post-1993, on peut facilement croire à l’insignifiance des «indemnités allouées aux membres de l’Assemblée nationale constituante et législative provisoire de la République malgache» (loi 58-011 du 17 décembre 1958), des «indemnités des députés et des membres du Sénat» (loi 59-022 du 24 décembre 1959), de l’«indemnité annuelle de fonctions des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat» (ordonnance 60-116 du 30 septembre 1960... On s’imagine également le ridicule de l’allocation forfaitaire mensuelle et les indemnités allouées en faveur des membres de l’Assemblée nationale populaire» (décret 85-309 du 16 novembre 1985)... Notes de lecture : Didier Galibert, «Les gens du pouvoir à Madagascar. État postcolonial, légitimités et territoire (1956-2002)», Karthala, 2009, p.77. «Les modalités de paiement constituent un véritable cadeau, compte tenu du caractère définitif de l’acquisition de ces véhicules neufs et de la longévité moyenne du parc automobile à Madagascar. Elles sont fixées à l’origine par un arrêté pris à l’initiative du Premier ministre Francisque Ravony, au bénéfice des députés de la première législature de la Troisième République (1993-1998). La part remboursable, soit en fait 24,17%, correspondait effectivement au reliquat de l’amortissement sur la durée d’un mandat, mais le montant du prix initial de référence était dérisoire par rapport au prix du marché: 60 millions de FMG, alors qu’il n’y avait pas de modèle imposé et que la gamme disponible à l’époque à Madagascar coûtait entre 41 et 160 millions de FMG. La documentation comptable relative à cette opération révèle bien de surcroît de la «grande falsification»: une liste disponible auprès du service financier de l’Assemblée nationale en fin de législature révélait que 69,56% des députés avaient effectivement réglé la participation qui devait être en principe précomptée sur leur salaire. De son côté, la Recette générale de Tananarive n’avait enregistré que 32,7% des montants totaux dus à l’État, 26 mois après l’achat des véhicules, alors même que l’échéancier officiel ne courait que sur 29 mois: non paiement des sommes dues et/ou non enregistrement par les fonctionnaires de l’intégralité des versements. À l’issue d’un débat houleux en présence du Premier Ministre Tantely Andrianarivo, la loi de finances de 1999 devait reconduire ces dispositions dans leur esprit, à des conditions très légèrement moins avantageuses: 48 mensualités au lieu de 29, pour un montant unitaire de 875 000 FMG au lieu de 500.000 FMG».
Plus récente Plus ancienne