Parc et jardin d’oasis et accalmie


Le nouveau jardin d’Ampefiloha crée un premier oasis de verdure et d’accalmie au cœur d’une Capitale chaotique. Et si la présence du buste qui y trône, celui de Hô Chi Minh, interpelle, c’est prétexte à histoire. Le 21 mars 1946, les députés Ravoahangy-Andrianavalona et Joseph Raseta déposaient devant l’Assemblée nationale constituante, réunie à Paris, une brève proposition de loi: «La loi du 6 août 1896 est et demeure abrogée. Madagascar est un État libre, ayant son gouvernement, son parlement, son armée, ses finances, au sein de l’Union Française». Quelques mois plus tôt, le 2 septembre 1945, Hô Chi-Minh avait proclamé la République démocratique du Vietnam. Et d’ailleurs, la rédaction malgache reprenait les termes de l’accord franco-vietnamien, du 6 mars 1946. Mais, si la Ville d’Antananarivo le décidait, le buste de Hô Chi-Minh pourrait très bien intégrer le futur jardin d’Ambohijatovo. Comme je le glissais subrepticement dans «Jardin mondain d’Ambohijatovo» (14 octobre 2020), le jardin du Luxembourg à Paris abrite une centaine de sculptures. Parmi les nombreuses personnalités des Arts et des Lettres, figure depuis décembre 2003, le buste de l’écrivain Juif Autrichien Stefan Zweig (1881-1942), familier du Prater, le joyau végétal de la Vienne des Habsbourg. À Antanimbarinandriana, on érigerait un «Vato» avec une simple plaque pour rappeler que les biens de la Princesse Ramasindrazana avaient été confisqués le 15 octobre 1896 (le jour de l’exécution du Prince Ratsimamanga et de Rainan­driamampandry) et que, le 1er novembre 1896, cette propriété dite «Ampamoloana», au Nord d’Imahamasina, fut donnée au Vicariat apostolique dirigé par les Jésuites. La toponymie ntaolo avait un sens : les rizières d’Antanimbarinandriana jouxtant le «Famoloana», aire de dépiquage du riz. La prononciation a oublié l’orthographe «Amparia-be», mais cet endroit était bien bel et bien à la grande rizière, «Faria». Son homonyme «Farihy» s’appliquant au lac qui entoure Anosinandriana, devenu Anosy. Autre morceau d’histoire au jardin d’Anosy. Sur une plaque commémorative, cette fois illustrée de photos d’époque, on expliquerait que le lac Anosy fut créé à la fin du règne de Radama 1er (qui «tourna le dos», en 1828), sous la houlette de l’Écossais James Cameron, missionnaireartisan aux talents multiples de la London Missionary Society, arrivé à Antananarivo en 1826. Le lac était alimenté par une amenée d’eau depuis le fleuve Ikopa. Ce canal débouchait au Sud-Est du lac, aux abords des rizières royales d’Antanimbarinandriana. La Reine Ranavalona 1ère confia au Français Jean Laborde, arrivé à son tour en 1831, l’aménagement de l’îlot au milieu du lac par la construction de pavillons dont un avait la même facture que les deux maisons de Jean Laborde, à Andohalo et à Mantasoa. Soixante ans plus tard, le 28 février 1897, et le départ en exil de la Reine Ranavalona III, l’administration coloniale fit détruire les pavillons de plaisance et accorda l’usage du terre-plein aux «Mpilalao» de musique folklorique. Jusqu’en mai 1925, le programme de la journée de la fête de Jeanne d’Arc comportait encore une plage de «réjouissances indigènes à l’îlot Anosy». Ambohijatovo ou Anosy et Antanimbarinandriana, pourraient parfaitement arborer une forêt native à la Miyawaki. À Tsimbazaza, les 25 hectares du Parc d’abord Botanique (à sa création en 1926) puis également Zoologique (depuis 1935), offrent un «jardin des plantes», endémiques comme d’importation. Mais, depuis longtemps déjà, arboretum, ombrière et palmeraie, sont passés distraitement en revue par des visiteurs qui cherchent surtout à s’évader du béton et du bitume de la Ville. Le PBZT est victime de son succès puisque les weekend, à Pâques, comme à la Pentecôte, l’afflux humain menace la quiétude «zoologique». Au passage, on aura oublié la double mission «éduquer-à-la-Nature» et «convertir-à-l’Écologie». Ces animaux en cage dressent notre acte d’accusation: assiégée par l’humain en son habitat naturel, les espèces endémiques sont réduites en vivre en captivité. Les lémuriens géants et hippopotames nains, qui les avaient précédés, n’existent déjà plus qu’à l’état de fossile dans le musée de paléontologie. Ironie et paradoxe réunis dans la Capitale d’un pays qui se revendique «Sanctuaire de la Nature». En certaines portions, le Canal Andriantany pourrait voir ses berges reconverties en parcours pédestre, cyclable ou équestre, le long d’un corridor ombragé qui interpellerait sur la disparition imminente du corridor forestier AlaotraMangoro-Anjozorobe. Les rives de chaque lac, Mandroseza, Mahazoarivo, Masay, plutôt que d’être livrées à un projet immobilier, devraient être sanctuarisées en autant de jardins. On avait déjà oublié d’aménager un Central Park, véritable poumon d’Antananarivo, entre l’Ikopa et l’Imamba et en tous ces sites dont la toponymie est d’eau: AnkorondRANO, AndRANObevava, AmoronANKONA.
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