La vie ou la mode


Dans une atmosphère envahie par les différents relents du conformisme, la mode s’affirme comme l’oxygène vitale, nécessaire à la vie. Une saveur d’épanouisse- ment, parfum d’une illusion de liberté, est alors offerte par l’enfermement dans une zone confinée où l’horizon est bouché par les murs sur lesquels ne s’étalent que les représentations hypnotiques et imposantes des différentes injonctions auxquelles chaque individu doit se conformer pour éviter la marginalisation. On doit suivre la mode si on veut rester dans la vague que la dictature de la mode façonne et sur laquelle on doit surfer ou subir le supplice de l’ostracisme, l’isolement qui est la peine encourue par ceux qui osent s’écarter, ceux qui s’érigent en adversaires de la mode. Suivre cette vague, qui nous emporte et nous fait participer aux différentes agitations de la mode, est un exercice de funambule qui doit trouver l’équilibre au sein de l’instabilité de la puissance du courant. La mode nous fait virevolter dans des secousses vertigineuses qui se trouvent, pourtant, sur le chemin tortueux qu’il faut emprunter si on ne veut pas être catalogué comme «has been». Il faut adhérer aux caprices de la vague turbulente qui peut décider de déclarer «in» une coupe de cheveux, un teeshirt, un chapeau, un genre de musique, … qu’elle a casés, il y a à peine une semaine, dans la classe des «démodés». Suivre la mode est alors un véritable parcours du combattant au cours duquel se révèle notre habileté à courir après les tendances. L’énergie dont on dispose est limitée, on sera alors, un jour ou l’autre, forcé d’abandonner la course pour rejoindre la classe des « ringards » et laisser le circuit à d’autres générations plus jeunes qui sauront tenir, pour les quelques années suivantes, la cadence infernale. Mais tant que nos forces sont encore suffisantes et qu’on est encore capables de danser sur ces rythmes différents que nous envoie la musique changeante de la mode, on peut toujours être tentés par le phénomène grégaire, manifesté par les différents mouvements de foule qui envoient tout un troupeau dans les mêmes directions, celles qui sont, selon les décrets médiatiques et publicitaires, celles de la mode. Dans un célèbre extrait du Quart Livre (1552), François Rabelais raconte comment tout un troupeau de moutons s’est noyé en voulant suivre un de leur congénère, jeté à l’eau par l’ingénieux Panurge. Une histoire qui a, depuis, servi d’illustration, d’outil de conscientisation sur le piège qui peut attendre un comportement grégaire qui fait l’économie de l’esprit critique. Suivre la mode, d’accord, mais tout en maintenant la raison éveillée.
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