Difficile éducation sexuelle au sein de la famille


L’éducation sexuelle dans le programme scolaire est-elle utile ? C’est aussi l’une des questions posées par les enquêteurs du ministère de la Population pour mener leur étude sur « les pratiques de la violence liées à l’éducation », à Vatomandry et Ambohidratrimo, en 2001-2002 (lire précédente Note). Selon les responsables de différentes institutions existant dans les deux sites, l’éducation sexuelle fait partie des programmes d’enseignement. « On en parle partout, à l’école, à l’hôpital et à l’église. » Les médecins font des efforts pour éduquer adultes et jeunes, mères de famille et enfants, mais il reste encore beaucoup à faire quant à l’application pratique des conseils donnés. L’utilisation des préservatifs est, par exemple, reconnue comme une nécessité sur le plan des idées, mais dans la pratique, on n’applique pas l’idée. Tout le monde accorde beaucoup d’importance à la place de l’éducation sexuelle dans la lutte contre la violence, dont le rapport avec l’instinct est largement reconnu. « Aussi, les éducateurs font-ils beaucoup d’efforts pour assumer leur rôle dans ce sens, mais ils sont dépassés par les évènements c’est-à-dire par la recrudescence de la violence sociale qui légitime en quelque sorte la banalité de celle-ci. » Les adultes, eux, affirment que tous les parents malgaches ne sont pas conscients de l’importance et de l’intérêt d’intégrer l’éducation sexuelle dans l’éducation de leurs enfants. « C’est un sujet tabou. » Aussi beaucoup d’efforts sont à déployer pour qu’on en parle librement dans la famille. Les tentatives faites par les parents acculturés à l’occidental sont insuffisantes, « si bien que les jeunes font n’importe quoi ». De leur côté, les responsables des centres sociaux et de rééducation estiment que la connaissance par les enfants des « choses sexuelles » sont encore si insuffisantes qu’il faudrait commencer à dispenser des cours d’éducation sexuelle, dès les classes primaires pour éviter les « déboires » des victimes de la violence sexuelle. Ils relèvent, en particulier, l’impact de la lacune en éducation sexuelle sur les enfants illégitimes, zaza sary, de père inconnu, tsisy rainy, ou dans une famille monoparentale. « Une grande proportion des jeunes délinquants entre dans ces catégories d’enfants ou provient des familles de ce genre. » L’effort des parents pour dispenser une éducation sexuelle à leurs enfants est « timide ». Ils ne parlent pas des choses du sexe directement alors que leurs enfants, d’après les responsables, sont « les mieux placés pour sentir, voir, ou vivre ces choses au travers du mode de vie des parents ». Parents qui cherchent à lutter contre leur solitude en cherchant de temps en temps de la compagnie dans le sexe opposé. D’après les résultats des entretiens des enquêteurs avec des éducateurs, des responsables religieux et des magistrats, les effets directs (de nature sexuelle) d’une carence d’éducation sexuelle sont nombreux. Chez des enfants de sexe masculin, ce sont le détournement de mineur, le viol, l’inceste. Chez des enfants de sexe féminin, ce sont la grossesse très précoce, l’avortement, la fugue et le suicide. Et chez les enfants des deux sexes, ce sont les rapports sexuels précoces. Au cours de leur enquête, les agents constatent la fréquence de ce genre de rapports sexuels chez les élèves des deux sexes dès le collège et chez les enfants en centre de rééducation. Les adultes de Vatomandry et d’Ambohi­dratrimo font observer que la plupart des filles ont leur premier rapport sexuel à moins de 15 ans. Après cette première expérience, elles ne se limitent plus à un seul partenaire sexuel. Cette pratique sexuelle entraine un grand nombre d’abandons scolaires, en partie dus à une grossesse. Chez les garçons interrogés, « l’expérience sexuelle est signe d’accès au statut d’adulte ». En outre, il est aussi plus facile d’avoir une partenaire moins âgée, généralement à partir de la deuxième expérience, la première se faisant avec une fille de même âge que soi. Pour les enquêteurs, ces rapports sexuels précoces et les grossesses d’adolescentes sont deux formes de violence sexuelle méconnues par la société dans les deux sites d’étude. Ils estiment que la meilleure lutte contre de telles formes de violence est d’ordre préventif, et de ce fait, relève de l’éducation des auteurs et des victimes eux-mêmes. Les enquêteurs insistent sur ce point car, disent-ils, les gens ont tendance à minimiser ces phénomènes de violence en les considérant comme naturels. Ils citent alors un tangalamena de Vatomandry qui rapporte les réflexions de parents betsimisaraka. « Plus tard, le garçon sera appelé à jouer le rôle de géniteur et la fille de procréatrice. Il importe peu que le moment de jouer ces rôles arrive plus tôt. Au contraire, dans ce cas et même si c’est malheureux, les enfants acquièrent tôt le sens de la responsabilité, ce qui est un bienfait pour leur intégration sociale. »
Plus récente Plus ancienne