Dossier Fetthulah Gülen - L'État malgache dans le désarroi


Le Président turc a été direct dans ses demandes. Ce qui a mis le président Rajaonarimampianina dans une position inconfortable. Pris de court. Interrogé sur ce que Mada­gascar était prêt à faire dans le cadre de la lutte « turque » contre le réseau de Fettulah Gülen, Hery Rajaonarimampianina, président de la République, a préféré trouver des réponses diplomatiques. Comme il l'avait annoncé à son départ d'Istanbul, Tayyip Recep Erdogan, président turc, a profité de sa tournée en Afrique de l'Est, cette semaine, pour prêcher sa lutte contre l'organisation de celui qu'il considère comme son principal adversaire politique, l'imam Fetthulah Gülen. L'homme fort turc a été direct, et n’a même pas attendu que les journalistes le questionnent sur le sujet. Durant sa prise de parole lors une conférence de presse conjointe avec son homologue malgache au palais d'État d'Iavoloha, Recep Tayyip Erdogan est passé, sans transition, des sujets de coopération bilatérale entre Madagascar et la Turquie, à un appel à « prendre des mesures » contre les institutions du réseau de son adversaire politique, ajoutant qu'il en a discuté avec son hôte malgache. Rappelant le « coup d'État » raté du 15 juillet 2016, le président Erdogan a martelé la responsabilité de Fetthulah Gülen et son réseau qui, selon ses dires, « a infiltré toute notre administration et l'armée ». Mettant sur la balance « la stabilité », il a soutenu : « Ce réseau existe dans le monde entier et, à chaque fois, nous prévenons nos amis que nous avons été victimes d'un coup d'État qu'il a fomenté. Faites attention à ne pas subir la même chose. Aussi, prenez les mesures nécessaires contre cette organisation ». Ayant pris la parole avant son invité, Hery Rajao­narimampianina a affirmé la solidarité du peuple malgache avec la Turquie, suite  au « coup d'État » de 2016 et son attachement à la stabilité, ainsi que l'engagement de la nation malgache dans la lutte contre le terrorisme. Mais le locataire d'Iavoloha s'est, quand même, trouvé dans une position inconfortable lorsque le président Erdogan a appelé publiquement qu'il prenne des mesures contre l'organisation Gülen, que la Turquie qualifie « de réseau terroriste ». Enjeux Interrogé sur la réponse qu'apportera Mada­gascar à l'appel turc, le locataire d'Iavoloha a ainsi dû user d'acrobatie verbale afin d'éviter de froisser son invité, tout en évitant de trancher dans le vif. Pour ne pas non plus décider, d'emblée, du sort de l'institution « Ravinala » et de l'école « International light college », financés par la fondation du prédicateur exilé depuis une quinzaine d'année aux États-Unis, seulement sur la base des affirmations turques. Ces institutions qui clament à tout vent leur vocation apolitique, strictement culturelle et éducative. « (…) Nous menons aussi cette lutte contre le terrorisme, même si nous avons été discrets », a indiqué le président Rajao­narimampianina. Devant la liste de mesures possibles, il a préféré botter en touche. « Vous allez trop vite dans les solutions. Nous allons gérer cette situation avec intelligence. Nous verrons dans l'avenir l'évolution de cette question », a-t-il répliqué. Tous les accords de coopération concernant la diplomatie, la défense et la sécurité, ainsi que des programmes audiovisuels ont été signés à Iavoloha, hier. Le Président turc a formulé le souhait que d'au­tres accords soient conclus, comme dans le domaine de l'éducation, l'agriculture, ou encore l'énergie. Durant les prises de paroles d'hier, rien a été dit sur les enjeux de l'appel à la prise de mesures contre les institutions du réseau Fetthulah Gülen dans les coopérations bilatérales entre les deux pays. Seule­ment, Recep Tayyip Erdogan a encore souligné son appel à une croisade contre son rival politique, dans son discours prononcé au forum des affaires malgacho-turques, au Centre de conférence internationale d'Ivato (CCI), en fin d'après-midi. Le choix du contexte où les partenariats entre secteurs privés ont été le principal objet de discussion pourrait ne pas être anodin. D'autant plus que le pouvoir turc semble déterminé à parvenir à ses fins dans sa lutte contre le prédicateur Gülen et son organisation, au point de proposer qu'une fondation dénommée « Turque Maarif » prenne sous son aile les institutions concernées. Garry Fabrice Ranaivoson
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