Sévérité des prix


Tout le monde se plaint de la hausse vertigineuse du prix du ciment. De 24 000 ariary il y a deux mois , le sac de ciment importé se cède aujourd’hui à 40 000 ariary. La hausse du fret portuaire et la crise de conteneurs sont avancés par les connaisseurs comme explication de cette flambée incontrôlable des prix. Pour stopper l’hémorragie, l’État via la société State Procurement Madagascar a importé une cargaison de 35.000 tonnes de ciment arrivée à Toamasina il y a deux semaines. Il s’agit d’un stock régulateur de prix. Si tout va bien, l’arrivée de ce ciment de SPM devrait avoir un impact sur les prix en général. Le contexte international de pénurie de conteneur est mis à profit par certains distributeurs pour augmenter exagérément les prix. En principe, l’État ne devrait plus jouer un rôle dans la régulation des prix depuis le retour à la libéralisation du marché et le désengagement de toutes les transactions commerciales en 1996. L’État ne devrait surtout pas intervenir dans la fixation des prix dans un marché de libre concurrence. La situation est telle que les prix atteignent un niveau astronomique, d’un côté et de l’autre côté le pouvoir d’achat ne cesse de s’effriter, obligeant l’État à intervenir pour ramener les choses à la normale même si les bailleurs de fonds le lui interdisent. C’est le retour au marché libre qui nous cause tout ce problème. On a préféré, du moins les dirigeants, appliquer la vérité des prix au marché subventionné où l’État comble les pertes ou le manque à gagner. C’est maintenant qu’on réalise que le socialisme de Ratsiraka était vraiment un paradis. L’essence de la Solima était à 50 ariary l’ordinaire, le riz à 100 ariary le kilo, le pain à 40 ariary , le bus à 10 ariary et 30 ariary pour le taxibe. Il faut avouer que c’était l’Eldorado même si la hausse des prix du carburant, du pain, du riz faisait déjà la Une des journaux. Mais voilà, à l’image de la démocratie, la mondialisation donc la libéralisation du marché nous a été imposée pour relever l’économie, argumentaient les fervents défenseurs de l’économie libérale. Depuis, la pauvreté n’a cessé de creuser son trou pour atteindre un niveau abyssal. L’économie de marché mais carrément en marge la majorité de la population doit 77% selon la Banque Mondiale, qui vit avec moins de deux dollars de revenu par jour. Comment veut-on de cette frange majoritaire de la population participe à une société de consommation? Comment peut-on imaginer qu’avec deux dollars par jour, on paie le litre de sans plomb au même prix que les Mauriciens et les Seychellois dont le revenu moyen mensuel avoisine les 1300 dollars? L’État a parfaitement raison de geler le prix des carburants, de tenter de réguler le prix des PPN même s’il ne doit plus le faire et que c’est difficile pour plusieurs raisons, sinon il s’expose à une terrible explosion sociale. Avec la pandémie et le confinement qui ont plus ou moins paralysé plusieurs secteurs de production, l’intervention de l’État est salutaire même si on aurait aimé qu’il soutienne les entreprises et les sociétés pour sauver des milliers d’emplois au lieu de se contenter de la charité et l’assistanat qui ne va pas au delà d’une semaine de provisions pour les gens nécessiteux. L’intervention de l’État à travers le SPM est juste temporaire le temps que les prix baissent et se stabilisent. La solution définitive reste la production sur place des biens dont on a besoin pour qu’on ne subisse pas les aléas du cours du marché international. Le président de la République avait annoncé la construction d’une cimenterie pour mettre fin à toutes ces complaintes autour du ciment et du monopole exercé par un seul opérateur. On ignore quand elle verra le jour toujours est-il que la construction de cette cimenterie devrait être une priorité parmi les priorités de l’État. En attendant on doit encore se soumettre qu’on le veuille ou non à la sévérité des prix. Il faut accepter telle une fatalité. Il n’y a pas meilleur réconfort pour remonter le moral. Cela s’appelle résignation et ce n’est pas une mauvaise thérapie face à de multiples problèmes dont la solution est envoyée à la commande.
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