Madagascar brûle-t-il ?


  Au départ, on se prépare et on se résigne que le district d’Ankazobe soit fidèle à sa réputation de champion des «doro-tanety». Que les deux côtés de la Route Nationale 4 déroulent des kilomètres calcinés. Comme d’habitude. Au début, pour «immortaliser» ce qui est déjà mort, et pas qu’une mais plusieurs fois, depuis des décennies et des siècles, on flashe ici, on zoome là, on vidéo le tout. Mais, quand les kilomètres s’accumulent, on réalise qu’il faudrait un drone pour embrasser toutes ces collines couleur de charbon à perte de vue. Mais, quand arrive le panneau du district de Maevatanàna, on se rend compte d’être passé sans transition d’un paysage de suie à un autre. Jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres plus loin encore, toujours vers le Nord-Ouest, jusqu’aux portes de Majunga, l’ampleur de la catastrophe ne s’appréhendera plus que depuis une caméra de la station spatiale internationale. En photo-satellite, et en temps réel, que donnerait un départ de feu, peu après la halte -déjeuner de Maevatanàna. Car, tout au long du trajet, on ne voit presque jamais les criminels qui se sont donnés le mot pour brûler ainsi le pays. On dirait une action concertée, à échelle industrielle. À moins que ce ne soit une main géante munie de milliers d’allumettes. Un Rapeto devenu fou et, qui au pays des dinosaures fossilisés, n’aura même pas épargné le parc national d’Ankarafantsika. Comment d’ailleurs s’en étonner encore quand on a déjà vu l’attentat contre les 683 hectares du site de reboisement de l’ONG Tany Meva, au PK 172. On nous a toujours expliqué que les «mpandorotanety» agissaient ainsi pour assurer la repousse de l’herbe pour leurs zébus. Pour le pâturage d’un seul animal domestique, on s’affole à faire le compte des autres espèces sauvages, et peut-être endémiques, probablement déjà en voie de disparition, qui n’ont pas eu le temps, ni la force, de se mettre à l’abri du feu. Ces rares rapaces, des «papango», qu’on voit planer en cercles meurtriers, disparaîtront avec leurs dernières proies. On en arrive à espérer voir géolocalisés ces caméléons qui traversent dangereusement le bitume coup-feu, pour leur dédier un couloir de fuite éperdue. Sous la canicule, e t sur ce t te terre déjà lunaire, d’invraisemblables troupeaux de chèvres parachèvent le crime en broutant consciencieusement jusqu’au dernier bourgeon d’espoir vert. Est-ce le désert qui se prête à la chèvre, ou la chèvre qui nous prépare un désert de rocailles et de sable ? Aucune ceinture verte ne résisterait à la voracité de ces tondeuses animales dans le sillage de leurs pasteurs nomades. Comme si «tavy» (culture sur brûlis) et «doro-tanety» (feux de brousse) ne suffisaient pas, le charbonnage continue de plus belle, comme en témoignent les sacs de charbon que personne ne prend la peine de dissimuler, en bordure de RN4. Les moyens du Ministère de l’Environnement sont dérisoires. Comment affecter un «soldat de l’Environnement et de la Biodiversité» derrière chaque pyromane. Verrat-on jamais une gendarmerie des Eaux et Forêts. Trouvera-t-on un jour la volonté politique d’une armée de l’air de bombardiers d’eau. Au moment d’embarquer pour la COP 26 (conférence climatique, Glasgow, 31 octobre au 12 novembre 2021), Madagascar et ses milliers de kilomètres carrés de sols dégradés, avec capacité moindre à stocker le carbone, n’est pas le meilleur élève de la classe Nature en dépit de son sous-développement industriel.
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