Commander in tweet


«Trump n'est peut-être pas toujours conscient de ses propos mais nous allons nous assurer qu'il paie les conséquences de ses paroles au-delà même de ce à quoi il est prêt à s'attendre », discours de Ri Yong Ho, ministre des Affaires étrangères de Corée du Nord, avant-hier à la tribune des Nations Unies. Entre-temps, les présidents américain et nord-coréen, en pleine joute verbale devant un micro onusien ou via internet, se sont déjà respectivement qualifiés de «rocketman» et de «dotard» - dotard, mot vieillot de XIVe siècle qui n'a pas su perdurer dans le langage courant et qui désigne une «personne en état de déclin mental, voire de sénilité». S'ils n'avaient pas été les numéros 1 de deux pays dont les actions sont potentiellement dangereuses pour l'équilibre mondial, ils auraient pu incarner quelques personnages un peu farfelus de dessins animés. Sauf que même les dessins animés les remettent à l'ordre. «Pour la sécurité de tous, lâche ton portable», chantent les enfants lors d’une récente épisode de la série South Park, dans un message dédié au président américain. Ce, pendant que celui-ci, entre deux échanges d'amabilité avec son homologue nord-coréen, s'en prend avec une vulgarité inouïe aux joueurs du NFL qui ont décidé de dénoncer le racisme en s'agenouillant pendant l'hymne national américain. La permanence de la communication rend-t-elle l'exercice du pouvoir plus volubile? Le fait de pouvoir communiquer n'importe où, n'importe quand et en toutes circonstances démystifie sans doute, le caractère sacré du pouvoir. Et le fait d'avoir des millions de personnes qui suivent ses moindres propos doit être bien grisant. Sur tweeter, Donald Trump est si prolixe et si peu regardant sur le choix de ses mots et les moments de les dire, qu'on se demande s'il n'utilise pas ces réseaux sociaux pour évacuer manu militari tout ce qui l'énerve sur l'instant. Comme ça. Parce qu'il a un compte tweeter. Parce qu'il peut parler. Et parce que, bon sang, ça se fait. Et puisque la menace nucléaire est présente, puisque l'attitude nord-coréenne est agaçante, pourquoi ne pas verser dans la surenchère de provocation et brandir l'idée de la «destruction totale» d'un autre pays, membre de la même organisation - organisation dont la nature et la raison d'être est d'éviter, justement, ce genre de scénario. C'est si enivrant, sans doute, de pouvoir sortir «virilement» la bile au fond de soi, devant un parterre de gens importants qui sont obligés de tenir compte de chacun de ces mots parce qu'on représente un pays si fort et si puissant. En 2002, George W. Bush, avait annoncé devant l'Assemblée générale, la guerre que son pays allait mener contre l'Irak : annonce qui avait marqué les mémoires, mais qui, brusquement, en comparaison avec les propos de Trump, paraissait... mesuréé, presque...raisonnable. À croire que la surenchère est devenue une nouvelle tendance de la diplomatie ! Car à bien y penser : oui, le monde change, mais l'Amérique n'a pas changé. Elle reste toujours cette brave et bienveillante nation, avec ses satellites qui gravitent tout autour, tandis que les «États voyous» chancellent de loin en loin, dans une liste noire qui n'a pas beaucoup changé, elle non plus. Elle ne change pas, elle fait de la surenchère. Ce qui ne passe pas inaperçu, puisque le monde a migré d'une idée glamour de l'Amérique d'Obama à une autre idée, plus «musclée», signée Trump. À défaut de trouver le qualificatif idéal, disons que c'est une Amérique «cofveve». L'ère de la communication qu'est notre siècle est formidable. Elle permet à toutes personnes connectées d'exprimer un avis et pour certains, à la tête de puissants pays détenteurs du nucléaire, de complètement se lâcher. La joute verbale est de faire la pluie et le beau temps sur le reste de la planète. La joute verbale qui se joue entre Donald Trump et Kim Jong-un transcende toutes les attaques, même person­nelles, qu'on a entendues sur le sol malgache - ou pourtant la langue acérée est un sport national. L'escalade des mots a vite pris, en particulier parce que le président américain les a prononcés à la très honorable tribune onusienne où les yeux du monde se tournent. Par Mialisoa Randriamampianina
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