Les sectes partisanes d’une éducation plus ouverte


«Habituer l’enfant au chemin qu’il doit prendre dans la vie et il ne faut pas faire l’économie de correction en frappant votre enfant avec une branche d’arbuste, cela ne le tuera point. » C’est la leçon qu’aime à répéter aux parents, un dirigeant d’une « Église nouvelle » de Vatomandry, interviewé par des enquêteurs du ministère de la Population, au début du siècle. Ce qui amène ces derniers à revenir sur le rôle de la religion dans l’éducation de l’enfant, dans leur étude que « les pratiques de la violence liées à l’éducation ». Leurs études se font à Vatomandry et à Ambohi­dratrimo en 2001-2002. Les Églises chrétiennes institutionnalisées de la Fédération des Églises chrétiennes de Madagascar (FFKM) sont présentes sur les deux sites. Ce sont l’Église catholique romane (ECAR), l’Église protestante (FJKM), l’Église épiscopale malgache (EEM) et l’Église luthérienne (FLM). Leurs objectifs sont les mêmes : renforcer la foi des fidèles et convertir les non-croyants à la religion chrétienne. Elles réalisent ces deux objectifs par l’éducation à l’école confessionnelle, à l’église et au cours d’une mission d’évangélisation ou Tafika Masina. Selon les enquêteurs, dans le cadre de la mission de ces Églises et à travers leurs actions, la religion chrétienne intervient auprès de la communauté à la faveur de l’éducation des filles. « Cependant, respectueuse de la culture malgache traditionnelle, elle tolère et, quelquefois même, soutient ce déséquilibre entre les sexes quant à l’accès à l’éducation, du moins à partir d’un niveau scolaire élevé déterminé. » Chez les Betsimisaraka de Vatomandry et d’Ilaka, ajoutent les enquêteurs, lorsqu’il s’agit de pénaliser l’un des deux sexes pour une insuffisance de revenus devant être affectés à la scolarisation des enfants, on le fait avec les filles. C’est pourquoi, à partir du second cycle du secondaire, la proportion de l’effectif des filles par rapport à leur nombre à l’entrée du collège diminue. Les dirigeants locaux des Églises de la FFKM notent la prolifération de sectes religieuses aussi bien à Vatomandry qu’à Ambohidratrimo. D’après les enquêteurs, ces autorités religieuses mettent le phénomène sur le compte de la crise sociale et économique, au niveau de la communauté. D’après eux, « les sectes se caractérisent par la manière brutale d’inculcation d’une doctrine à travers leur discours. Il s’agit d’une doctrine reposant sur l’interprétation des textes bibliques qui répond à la quête de vérité et de repères, surtout chez les jeunes. Ceux-ci interprètent la doctrine à leur tour en trouvant une application immédiate dans le mode de vie où la violence occupe moins de place que la liberté sexuelle : on assiste à une version adaptée et actualisée du slogan: Faisons l’amour et pas la guerre. Ce fait contribue à la destruction du système moral auquel sont habitués surtout les enfants. » Des enquêteurs indiquent que l’une des fonctions des Églises nouvelles existant sur les deux sites, telles Jesosy Mamonjy, Assemblée de Dieu, Fiangonana ara-pilazantsara, etc., consiste à canaliser la violence sociale afin de la contrôler suivant leurs objectifs à moyen terme qu’ils avouent. Voici ce qu’en disent les chefs spirituels de l’association culturelle Jesosy Mamonjy à Vatomandry : « Lorsque les enfants perdent les repères des choses, nous les accueillons en notre sein. Les enfants et les femmes constituent la majorité de nos fidèles. » En revanche, d’après les responsables de la FFKM, « l’enseignement moral et la profession de foi des sectes offrent une opportunité d’évasion aux enfants, face au système moral parental contesté parce que dépassé de par son caractère trop strict qui empêche l’intégration à un monde qui change très vite. » Et puis, ajoutent-ils, les enfants aiment la nouveauté. «C’est pourquoi ils deviennent les clients privilégiés des sectes. » Mais pour les enquêteurs de l’étude, « les enfants trouvent dans le système simple et large prôné par les sectes sous forme d’interprétation juste des textes bibliques, une matière à réflexion qui leur permet d’échafauder une échappatoire à la condition de vie qu’ils mènent ». C’est au niveau de la sexualité, font-ils remarquer, que l’effet des discours développé au sein des sectes se fait sentir directement, car ceux-ci favorisent la simplicité et la largesse d’esprit dans la façon de voir les relations sociales. « Cette simplicité et cette largesse sont traduites par les enfants en termes de facilité et liberté des mœurs. » Le même processus qui aboutit au même résultat peut s’observer dans l’introduction de toute nouveauté culturelle, telles les images vidéo dans l’univers des enfants. Mais, « à la différence des images vidéo, le discours infligé aux enfants dans la fréquentation d’une secte contrôlée moralement par la collectivité constituée par les membres, tandis que les institutions derrière la propagation des images vidéo n’assument pas cette fonction ».
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