26 juin 1960: avant et depuis


Le retour de l’indépendance : la phraséologie officielle aura mis des décennies à le formaliser, mais c’est désormais un acquis. Il y avait une indépendance avant le 26 juin 1960. Longtemps également, j’aurai «daté» cette indépendance au 23 octobre 1817, signature du traité entre Radama 1er et Robert Farquhar, Gouverneur de l’île Maurice et représentant de la GrandeBretagne. Déjà, c’était subordonner l’indépendance de soi à la reconnaissance d’autrui. Il se sera écoulé deux siècles depuis Ralambo vers Andriamasinavalona jusqu’à Andrianampoinimerina. Sans compter les «temps immémoriaux», d’autant plus immémoriaux que les vainqueurs en auront méthodiquement «anachronisé» l’histoire. Ce serait cruelle ironie à un nationalisme, jamais autant revendiqué qu’en ces temps de «fête nationale», que de faire la lecture de cette saga authentiquement autochtone avec les yeux d’un Colbert qui aurait regardé par dessus l’épaule de Flacourt, lequel aurait dicté la légende de Benyowsky. Aussi, c’est projeter, donc paradoxale- ment restreindre, l’idée de cette indépendance à la seule entité merina dont le souverain Radama reçut le titre de «Roi de Madagascar» alors qu’il venait à peine de recevoir en héritage l’Imerina Enin-Toko. C’est qu’il venait de se passer tout juste sept ans depuis que son père Andrianampoinimerina avait «tourné le dos». Trois mois encore seulement avant la signature de ce traité, Radama avait enfin atteint le «riaka» censé être les limites de son «plus-grand-Betsimi­tatatra». L’eau de mer en était bien entendu salée: «toamasina?» Enfin, ce serait rester dans l’incantation, nostalgique ou républicaine, que d’ignorer les réticences autour de certaines dates, fatalement par défaut, puisque étendues à des terroirs qui n’en ont ni mémoire ni vécu. Administration directe, protectorat nominal, pays indépendants: la nomenclature juridicoadministrative a mis à mal la fiction d’un pavillon unique flottant au sommet de Manjakamiadana. Il y avait plusieurs indépendances avant le 26 juin 1960. Il y eut des indépendances qui survécurent à la capitulation du 30 septembre 1895, à la loi d’annexion du 6 août 1896 et au 28 février 1897, abolition de la monarchie des descendants de Ralambo et d’Andriamasinavalona. Mais, avant 1905, elles auront toutes prêté allégeance à Gallieni. Je me demande si elles étaient encore plurielles en ces années cruciales de 1957-1960 et combien se reconnaissent dans le 26 juin 1960.
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