Grand succès du Mémoire sur le peuple nain de Maudave


Flacourt en 1658,  Valgny en 1767, Sonnerat en 1770, mais aussi Maudave un an plus tôt, figurent parmi les auteurs cités par J.-C. Hébert, qui parlent de « Pygmées » vivant dans le Sud de Madagascar. Mais en fait, il s’agit de Kimosy, précise Flacourt. D’après Hébert, Racquimouchi se transcrit en malgache moderne Ra-Kimosy. Il explique que selon Sonnerat, c’est la désignation de l’ancêtre nain dont les descendants, les « Zafi-Ra-Kimosy, étaient de taille normale. Seul leur bétail était petit. » Hébert précise qu’il est exact que les zébus sauvages malgaches ne portent pas de loupe ou bosse, et sont généralement plus petits que les bœufs domestiqués. Le naturaliste est donc bien informé. L’ethno­logue ajoute que le nom du pays Manatan n’est pas identifiable, par contre, la rivière citée est la Matitanana (lire précédente Note). « À la rigueur, le nom du pays peut se traduire par qui possède la terre, mana(na)tany.» Autre auteur mentionné par Hébert, Maudave. À son arrivée au Fort Dauphin en septembre 1768, il a connaissance du Mémoire de Valgny. Dès avril 1769, il projette une expédition dans l’intérieur pour ramener vivant un « couple de Pygmées dont il était question ». Valgny ne semble pourtant pas y participer. L’expédition se dirige vers la vallée  d’Ambolo et ramène des plants de vigne, mais aucun couple de Pygmées. C’est plus à l’intérieur qu’il aurait fallu se diriger, « vers le pays Anachimoussi » déjà signalé par Flacourt. Le mémoire rédigé plus tard par Maudave sur les Quimos, rencontre un succès extraordinaire. En effet, Commerson adopte d’emblée la thèse de l’existence de Pygmées et « en informa le monde savant d’alors ». Le fascicule resté manuscrit est titré Mémoire sur un peuple singulier nommé les Quimos, habitant au milieu de l’ile de Madagascar vers les 22° de latitude australe. Il l’introduit en évoquant « l’écrit mal rédigé » de Valgny sur quelques particularités d’un « peuple extraordinaire qui habite depuis un temps immémorial dans cette ile ». Il s’agit, dit-il, d’un peuple de nains, vivant en société, gouverné par un chef, protégé par des lois civiles et exerçant le droit de la guerre pour leur défense et leur sûreté. Maudave indique qu’il a fallu ce trait de cette nation, mais cela ne le frappe pas d’abord car, dans son ouvrage sur Mada­gascar, Flacourt parait rejeter l’histoire de ces petits hommes, arguant qu’il s’agit d’une fable racontée dans leurs chansons par les joueurs d’ « herravou » (cithare sur calebasse). D’ailleurs, à l’époque, signale Hébert, les Pygmées de l’Afrique équatoriale ne sont pas encore connus et font l’objet de fables ou de récits peu crédibles. Ils ne seront redécouverts en Afrique qu’au printemps 1870, par Schweinfurth. Pour en avoir le cœur net, Maudave décide d’envoyer une expédition à la découverte du « pays des Pygmées ». « Elle n’eut aucun succès par l’infidélité et la poltronnerie des guides, mais j’en ai tiré du moins l’avantage de m’assurer qu’il y a réellement une nation de nains qui habite une contrée de cette ile. » L’auteur du Mémoire mentionne que ce peuple se nomme les Quimos ou Kimos, qu’il habite à 60 lieues au Nord-ouest du Fort Dauphin, au-delà du Tropique du Capricorne, à l’Ouest du pays de Matitanana, dans une vallée entourée de hautes montagnes. Ce qui rejoint la localisation donnée par Flacourt. C’est à peu près au centre de l’ile. Les Kimosy travaillent la terre, poursuit-il, et sont plus laborieux que les autres populations locales.  Ils élèvent beaucoup de bestiaux et leur abondance excite souvent les nations voisines qui font des incursions dans leur pays pour enlever leur bétail. « Ces petits hommes se défendent de leur mieux, ils forgent très bien le fer et font des sagaies plus longues et plus fortes que celles dont on se sert d’ordinaire dans l’ile. Ils les lancent, dit-on, avec beaucoup d’adresse et de vigueur. J. C. Hébert relève ces remarques qui sont paradoxales. S’agissant d’une population naine, souligne-t-il, leurs armes, entre autres, devraient être en rapport avec leur taille. De petite taille (entre 3 pieds et 3 pieds 10 pouces, selon Maudave), les hommes portent la barbe longue et arrondie. On prétend que les femmes n’ont point de « mamelles » et qu’elles allaitent leurs enfants avec du lait de vache. Hébert signale que les populations malgaches n’utilisent pas le lait de vache pour l’alimentation de leurs tout jeunes enfants. Pour en être sûr, Maudave fait venir du pays de la rivière Mandrare qui forme une frontière entre l’Anosy et l’Ouest, une prisonnière de guerre Kimosy d’une trentaine d’années, qu’il achète à son propriétaire, un chef. Elle n’a pas de poitrine, confirme-t-il, « ses bras sont fort longs et ses mains ressemblent assez à la tournure des pattes d’un singe ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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