En berne


Les morts sont morts! Peu importe leur nombre : 21, 25, 29 ou 31, chaque vie vaut ce qu’elle vaut. À Ankazoabo-Sud, dernièrement, une énième triste nouvelle qui ne fera que, malheureusement, passer à la une des journaux. Car des morts de l’insécurité, directement ou indirectement, on en a des centaines par jour. C’est donc avec une certaine banalité inquiétante que des responsables et une frange de la population perçoivent cette tuerie. Ainsi, quand on voit les discussions ici et là, on constate amèrement qu’elles ne portent que sur de faux problèmes  en l’occurrence le nombre de mort, le nombre de dahalo, comment qualifier les dahalo, etc. Car ce sont de faux problèmes, des pertes de temps pour les détails et, plus vraisemblablement, un vice de se délecter des nouvelles morbides ici et là. Au final, on est devenu des rapaces à la recherche de découvertes macabres pour s’intéresser un peu à ce qui se passe dans ce pays. Car qui ne sait pas que les meurtres dans les campagnes par des gangs armés sont quotidiens ? Qui ne sait pas que les viols sur des femmes, des enfants de tout âge et de sexe sont monnaies courantes aussi bien dans les villes que dans les brousses ? Qui ne sait pas que nul n’est plus en sécurité dans ce pays, même les karana qui peuvent se payer des gardes du corps pour les suivre même jusqu’au lit. C’est par le simple fait que nous évoquons les faux problèmes et nous apportons des solutions qui ne font qu’empirer la situation. Quand on voit les photos des corps sans vie, avec les commentaires de désolation ici et là, je me permets de poser la question : mais où étions-nous quand il a fallu lutter pour que ces gens puissent circuler librement et en sécurité, qui était là quand le moment était venu pour demander redevabilité au niveau des députés, des actions venant du gouvernement, un pilotage réfléchi de la part du gouvernement ? De plus en plus se forme une psychologie de vampire, toujours à l’affut de la chair fraiche qui subira un préjudice pour assouvir par la suite ce besoin de faits divers lugubres. Et l’on discute le temps de quelques semaines et rien ne se fait concrètement, il suffit d’attendre les prochaines victimes pour vraiment s’émouvoir, compatir, s’indigner, ou plutôt faire semblant, le temps que la mode et le sujet passent. 31 personnes, femmes et enfants compris, sont mortes sous la barbarie des dahalo. Et l’on roucoule d’amour à Tsimbazaza pour un voyage inopiné dans la zone du crime. Des enfants meurent tragiquement à cause de l’inexistence d’une réelle règlementation sévère des transports en commun, des accidents se passent quotidiennement sur les routes nationales car les policiers qui sont censés faire un vrai travail  de sécurisation sont là pour le pot de vin quotidien, l’insécurité règne par les militaires qui sont censés faire régner l’ordre et qui deviennent des fournisseurs d’armes et de brouilleurs de piste. 70 dahalo c’est presque tout un village. Ils ont tiré sur la voiture mais heureusement tous ne sont pas morts. Il est inconcevable que parmi les rescapés, il n’y en ait pas un qui a pu décrire un des assaillants. Inconce­vable également qu’on n’ait pas retrouvé, ne serait-ce qu’une balle, sur les lieux du crime. Alors, la logique veut qu’on puisse retrouver d’où viennent les armes, qui sont ces gangsters et quand on va les prendre. Ah, j’oublie, il faut d’abord que l’on finisse de débattre sur comment les appeler : brigands, gangs, terroristes. Puis, qu’on termine de faire la queue pour faire semblant de présenter les deuils aux familles et qu’on enterre les morts, sécher les larmes avant de penser à en finir avec ces monstres. En y pensant, quel est le quota de mort pour que nous déclarions un deuil national et que l’on mette notre drapeau en berne, que l’on puisse entendre une allocution de notre trop bien censé président. J’imagine que l’heure n’est pas encore assez grave ou est-ce qu’une vie ne vaut pas une vie ? Par Mbolatiana Raveloarimisa
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