Herilaza Imbiky - « La décentralisation effective et la suppression du Sénat sont des motifs impérieux »


L’organisation d’un référendum parallèlement avec les législatives est un sujet à débattre. L’explication du juriste Herilaza Imbiky, plutôt orientée sur le détail technique permettra aux électeurs de s’inspirer sur les idées essentielles de la révision en attendant la présentation du projet de texte. Le moment est il opportun pour organiser un référendum si tôt ? De nombreuses raisons expliquent la prise de décision sur le référendum. Le 1er aout 2018, le candidat Andry Rajoelina (ndlr : l’actuel président de la Répu­blique) a présenté sa vision de diriger le pays. Cette vision repose sur le développement local à travers la mise en place d’une décentralisation effective. Pendant la campagne électorale, il a promis à la population de supprimer les Institutions budgétivores telles que le Sénat et les organes constitutionnels pour que le budget soit affecté à d’autres projets plus bénéfiques pour la population. Le président de la République a martelé à son discours le 19 janvier qu’il honorera sa parole sur la réalisation de son programme. Quelle explication donnez-vous à la tenue d’un référendum parallèlement avec les législatives ? L’objectif est d’adopter la politique d’austérité dans la gestion des affaires de l’Etat. L’organisation d’une élection nécessite un budget important. Mais si le référendum est jumelé avec les législatives, il va y avoir sûrement une diminution de dépenses sur les préparatifs. Puisque nous ne pouvons pas attendre plus longtemps, l’élaboration du budget du référendum a été inscrite dans la loi de finances rectificatives. Ensuite, le développement du pays ne peut pas attendre l’ouverture de l’Assemblée nationale en mois de juillet. Le parlement ne sera pas opérationnel qu’après l’installation de sa structure et cela ralentit la démarche. D’après vous, la convocation des électeurs est-elle conforme à la Constitution? L’article 5 de la Consti­tution prévoit la consultation directe de l’avis du peuple détenteur du pouvoir quand il s’agit d’une affaire importante dans l’État. L’article 55 du même texte autorise le Président, par une décision prise en conseil des minis­tres, de recourir directement à l'expression de la volonté du peuple par voie de référendum. Ces dispositions restent toujours valables et n’exigent pas l’application de l’article 162 qui prévoit la majorité des deux tiers des membres du parlement pour valider la décision alors que l’Assemblée nationale n’existe pas. Quelle est votre appréciation sur le pouvoir du Président sur la loi d’habilitation ? En vertu de la décision rendue par la Haute Cour Constitutionnelle en février, le Président peut faire usage de son pouvoir dans le cadre de la légifération par ordonnance. Cette décision ne prévoit pas que le Président ne pourra pas toucher la Constitution. L’application de l’article 163 suscite de nombreuses réactions. Quelle est votre position sur son interprétation ? À mon avis, la décentralisation effective et la suppression du Sénat sont des motifs impérieux. Même le préambule de la Constitution explique ce principe. Prenons le cas de la disposition sur l’installation du chef de région qui n’a jamais été appliquée. Le texte a été toujours contradictoire sur la nomination ou l’élection du chef de région. Mais si l’esprit de la révision constitutionnelle se focalise sur le respect des dispo­­sitions constitutionnelles, cela pourrait qualifier motif jugé impérieux. Du côté pratique, le fait de se rapprocher des populations les plus éloignées, de fournir tout ce que les usagers ont besoins sans pour autant faire un déplacement dans la capitale constitue un motif jugé impérieux. Le délai de convocation des électeurs divise le point de vue des observateurs. Qu’en dites-vous ? La loi 2018-008 relatives au régime général des élections et des référendums édicte le délai de trente jours pour la convocation des électeurs en référendum. Aucune disposition ne mentionne la délimitation de délai de convocation dans ce sujet. Pourtant, la fixation de délai de campagne en trente jours est prévue dans la disposition de l’article 55. La suppression du Sénat sera le principal objet de la révision constitutionnelle. Est-ce que cela signifie que Madagascar franchira la Ve République ? Il faut souligner que la révision de certaines dispositions dans la Constitution ne signifie pas le changement de République. Autre­ment dit, nous restons toujours dans la IVe Répu­blique. Des exemples vécus avec les anciens régimes éclaircissent la situation où la Constitution a été touchée en IIe République sur la question de multipartisme. Pendant la IIIe République en 1998, l’ancien président Ratsiraka a procédé à une révision sur la mise en place du Sénat et la Province autonome. Il en est de même pendant le temps de Marc Ravalomanana en 2007 lequel il apporté de modification de certains points mais la République n’a pas changé.
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